[aviii ra]
|250 La premiere tentacion de quoy le dyable tente l’homme en l’article de la mort.
[aviii rb] |251Jouxte ce que dit est que la premiere chose de quoy le malade doit estre adverty en [aviii va] l’article de la mort est la foy, |252 semblablement la premiere tentacion que le dyable lui donne est touchant la foy, |253 car il sçait bien que, par sa cautelle, il peult une fois faire tant que le pacient en la mort doubte, vacille ou ne croye point fermement en la foy de Dieu et de l’Eglise, qu’il est damné, |254 car impossible est que sans foy nous puissions plaire a Dieu et, par tant, sans foy nous pouons avoir aucun salut.
|255 Tesmoing sainct Augustin, qui dit : |256Fides est bonorum omnium fundamentum et humane salutis initium |257 « Foy est le fondement de tous biens et commencement du salut aux humains. » |258 Sainct Bernard aussi dit a ce propos : |259Fides est humane salutis initium. |260Sine hac nemo ad filiorum Dei numerum potest pertinere, sine hac omnis labor hominis est vacuus. |261 Dit le glorieux saint Bernard : |262 « Foy est le commencement de l’humain salut. |263 Et sans elle ne peult aucun homme parvenir au nombre des filz de Dieu. |264 Sans foy, tout le labeur que l’home fait en ce monde est vain et ne lui peult aucunement prouffiter. » |265 Par quoy, puisque la foy est le commencement du salut aux humains, |266 il est bien vraysemblable que l’en[aviii vb]nemy, a toute heure estant comme le lyon rongeant querant sa proye pour devorer, qui ne desire que a perdre les humains, sur toutes choses tire a faire defaillir l’home en la foy, |267 car il sçait bien que, s’il le deçoit par faulte de foy, qui est commencement de salut, impossible sera qu’il y puisse parvenir. |268 Pourtant, de toute sa puissance, se efforce et applique le mauldit ennemy |269 a faire devier le pacient de la foy en lui disant : |270 « O meschant et maleureux que tu es, cuides tu que il soit vray ce que on te presche |271 et que toy, qui es homme plain de péchié, soyes rachatable et digne de avoir paradis plus que les anges qui pour ung seul pechié ont esté damnéz ? |272 Enfer est fait pour tous pecheurs universellement et, quelque penitance que tu faces, tu n’en peulx jamais eschapper. |273 Considere a la penitance de Judas, qui lui mesmes se pendit et Toutes fois est il damné. |274 Oultre, regarde les roys payens qui sy devotement adorent et servent a leurs ydoles et vrais dieux qu’ilz voyent devant eulx |275 et tu adores et croys ce que tu ne voys et adores une chose incongneue, qui est a toy une grande folleur. |276 Avecques ce, de ta credence [bi ra] tu n’as aucun experiment, car celluy n’y a de tous ceulx qui sont passéz qui en soit revenu dire la verité |277 et dois croire le contraire de tout ce qu’on t’en presche mieulx que autrement. » |278 Par telles persuasions et folles admonicions tente le dyable et essaye a decepvoir celluy qui est anguoissé et pressé des assaulx de la mort, |279 affin qu’il le face devier du chemin de verité, errer ou hesiter en la foy, qui est commencement et fondacion de tout salut, |280 car l’ennemy sçait bien que, si le fondement d’aucun edifice est abatu, que necessairement les superedifices qui dessus cellui fondement sont assis, cheent.
|281 Sciendum tamen, et cetera.
|282 Ici met l’acteur ung notable pour donner consolacion aux simples et non litteréz qui pourroyent trop desperer de leur vertu et puissance de resister aux tentacions de l’ennemy et dit ainsi : |283 « Combien que l’ennemy soit fort malicieux et deceptif et que ses tentacions soyent grandes, |284 Toutes fois est il a sçavoir que le dyable ne peut home contraindre en aucune tentacion ne le prevaler et vaincre en aucune maniere tant que celluy home aura l’usage de raison |285 et si, spontanement et sans contrainte, il ne se consent aux tentacions qui lui viennent, |286 laquelle chose sur tout est a eviter et doubter. » |287 Et, pour ce, doit le bon crestien en son bon sens recongnoistre Dieu et [bi rb] protester devant lui que, quelque chose que le dyable luy face faire par la debilité de son sens en la douleur de la mort, |288 il ne s’i consent ne veult consentir mais en appelle devant Dieu, protestant vivre et mourir en la foy des apostres ainsi qu’un bon crestien. |289 Et aussi disent les docteurs de saincte Escripture qu’ilz ne treuvent point que Dieu permette es vexacions de la mort l’home estre superé de son ennemy, qui aura en son plain sens fait celle protestacion, |290 disant saint Pol : |291 Fidelis Deus qui non patietur nos tentari super id quod vos potestis, sed faciet cum tentacione proventum ut possitis sustinere |292 « Dieu, qui est tres bon et tres loial, ne souffrira que vous soyéz tentéz oultre que vous n’auréz puissance de resister, |293 mais plus tost vous donnera certaine prevencion de ayde et de confort |294 affin que cellui qui sera tenté puisse mieulx vaincre la tentacion. » |295 Par quoy assez apert que, en l’article de la mort ou toute puissance default a tout home, Dieu lui ayde et ne le permet pas tant estre infesté de l’ennemy come en plaine memoire, |296 pourveü que par avant le crestien ayt deüement fait son devoir envers Dieu. |297 Et, pour ce, est ce que, contre les cinq tentacions du dyable, en l’article de la mort, Dieu donne a l’home cinq bonnes inspiracions envoyees par ses anges pour y resister.
[bi va] |298 La bonne inspiracion que donne l’ange au pacient en l’article de la mort contre la tentacion du dyable touchant la foy.
[bi vb] |299 Nostre Saulveur et Redempteur Jesucrist, piteable de l’umain lignage, non voulant souffrir qu’il voise a perdicion, |300 a l’heure qu’il voit [bii ra] que le povre crestien est aux tourmens de la mort et que le dyable de toute sa puissance tire a le decepvoir par faulte de foy, |301 il lui envoye ses anges pour lui donner amonicions contraires a celles du diable. |302 Et, tout ainsi que le faulx ennemy par persuasions faulses l’a admonnesté, aussi fait l’ange de Dieu par bonnes persuasions contraires et lui dit : |303 « O homme, qui est formé de la terre et force est que tu retournes en terre, recongnois ton Createur, qui a creé ton ame et faicte a sa propre semblance. |304 Garde toy bien de croire aux pestiferes et mortelles sugestions du dyable, |305 pour ce que ce n’est qu’un menteur, |306 et, quelque blandissement qu’il te donne ou il y ait aucune apparence de verité, toutes fois la fin de tout son fait n’est que decepcion. |307 Et te souviengne que premierement il deceut Adam et Eve, noz premiers parens, et les fist pechier par menterie |308 quant, par son faulx donner a entendre, il leur fist gouster du fruict deffendu en leur promettant et disant que, par ce, ilz pourroyent estre immortelz. » |309 Et pour ce dit l’ange au pacient : |310 « Mon amy, garde toy bien que en aucune maniere tu ne doubtes de la foy. |311 Pose que ton entendement ne soit pas comprehensible de si grant chose que de la foy de Dieu, avec ce qu’il t’est plus [bii rb] profitable de ne le point congnoistre sensuellement, |312 car, si tu le congnoissoies et pouoies bien comprendre, il ne te seroit point meritoire. |313 Ainsi que dit saint Gregore : |314 Fides non habet meritum ubi ratio prebet experimentum |315 ‘Foy n’a point de merite la ou la chose peult estre prouvee par raison ou par experience.’ |316 Mais remembre toy de ce que ont escript noz saintz Peres, premier de saint Pol en son xi. chapitre, rescripvant aux Hebreux la maniere come ilz pourroient plaire a Dieu, leur rescripvoit : |317 Sine fide impossibile est Deo placere |318 ‘Sans foy impossible est que on puisse plaire a Dieu’, |319 voulant inferer que la chose qui plus plaist a Dieu c’est foy. |320 Saint Jehan aussi en son tiers dit : |321 Qui non credit jam judicatur |322 ‘Cellui qui ne croit en la foy de Dieu fermement est desja jugé. » |323 Saint Bernard aussi dit : |324 Fides est primogenita inter virtutes |325 ‘Foy, entre les vertus qui mainent l’homme a salvacion, est la premiere engendree.’ |326 Dit oultre saint Bernard : |327 Bestior fuit Maria percipiendo fidem Cristi quam carnem Cristi |328 ‘Plus eureuse fut la glorieuse Vierge Marie pour la vraye foy que elle eut en Dieu en croyant tres fermement aux parolles du saint ange, |329 combien que ce fust chose admira[bii va]tive en nature, qu’elle ne fut de concepvoir la chair de Jesucrist.’ |330 Par quoy, mon amy, dist l’ange au malade, foy est la plus belle chose que tu puisses avoir. |331 Considere la foy des anciens Peres, d’Abraham, d’Isaac et de Jacob. |332 Considere la foy d’aucuns payens come de Job et de Raab, la folle femme, et de plusieurs qui si grande foy ont eue en Dieu |333 combien qu’ilz fussent encor ou Vieil Testament et n’eussent point encore la Nouvelle Loy que l’Escripture saincte les presche, |334 sauvéz pour la grande foy qu’ilz avoyent en Dieu le Pere Createur. |335 Considere, dit l’ange, aussi, mon amy, la grant foy des apostres, qui toutes possessions, richesses, peres, meres, femmes, enfans et mesmes leurs propres voluntéz ont laissé pour la foy de Jesucrist, |336 croyans fermement que, sans ce faire, ilz ne pouoyent entrer ou royaulme des cieulx, |337 la foy semblablement des victorieux champions de la foy, c’est assavoir les glorieux martyrs qui, come vrais chevaliers, ont offert leurs corps a tourmens innumerables pour la foy de Dieu soustenir, |338 voulans mourir en icelle come vrais chevaliers en la loy de leur prince, |339 la foy aussi des confesseurs et glorieuses vierges qui, pour le nom de Dieu, ont vescu en [bii vb] terribles penitances, |340 renuncé au monde, gardé leur virginité et vescu de vie austere seulement pour plaire a Dieu en ayant vraye foy en eulx. |341 Et generalement on ne treuve point que jamais les antiques ne les modernes ayent tant pleu ne plaisent a Dieu que par vraie foy, |342 pourtant que foy est la plus digne chose qui soit, ainsi que par plusieurs exemples nous le voyons. |343 Premier, par foy, saint Pierre de son piet corporel chemina sur les eaux come sur terre. |344 Par foy, saint Jehan l’Apocalipse beut le venin qui luy fut aporté sans en avoir mal |345 pourtant qu’il creut fermement qu’en faisant le signe de la croix sur le bruvage le Saint Esperit en ostoit le venin. |346 Encore plus grande exemple as tu, dit l’ange au pacient, de croire que Dieu t’aidera si tu as vraye foy en luy, par ce qui est escript du roy Allexandre, le quel estoit payen. |347 Toutes fois, par ce qu’il eut vraie foy en Dieu le Pere, a la supplicacion de lui et par ceste foy, |348 deux grandes montagnes fort distantes l’une de l’autre furent assemblees, qui est chose impossible que par puissance divine. |349 Par quoy, c’est chose bien notoire que, si Dieu pour la foy d’un payen fait aucune chose, voire si grande, que encores plus tost le fera il pour la foy d’un crestien. [biii ra] |350 Par quoy il apert que la foy, par ung grant merite, est beneÿe de Dieu pour le grant merite qui est en elle. |351 Pourtant, mon amy, dit l’ange au malade, tu dois bien virilement et de grant force resister au dyable qui te tente de devier en la foy et fermement croire tout ce que saincte Eglise croyt, |352 car c’est celle qui ne peut errer pour tant qu’elle est regie, conduitte et illuminee par le Saint Esperit. »
|353 Nota quam, cito.
|354 Icy met l’acteur de ce present mirouer ung notable, disant : |355 « Tout aussi tost que le malade doubtant la mort se sent tenté de l’ennemy d’enfer contre la foy, il doit considerer en soy mesmes |356 que foy sur toutes choses est necessaire et que, sans elle, impossible est de plaire a Dieu ne que aucun soit saulvé. |357 Secondement, qu’elle est souverainement utille, et meritoire pour grace acquerir soit en ce monde icy ou en l’autre, |358 disant Nostre Seigneur Dieu : |359 Omnia sunt possibilia credenti |360 ‘Toutes choses sont possibles et facilles a faire a cellui qui bien et fermement croyt en Dieu.’ |361 Et iterum, et cetera. |362 Et oultre dit Nostre Seigneur : |363 ‘Toutes choses que par devote oraison et bon[biii rb]ne voulenté vous me demanderéz, croyéz le, car vous l’auréz.’ » |364 Et, en ceste maniere, par les dessus dictes amonicions que l’ange fait a l’egrotant, par la grace de Dieu, il peult facilement resister aux tentacions du dyable combien grandes qu’ilz soyent.
|365 Quare etiam bonum, et cetera.
|366 Icy donne l’acteur ung enseignement a ceulx qui seront auprés d’un malade labourant a la fin, |367 disant que bonne chose utille, convenable et tres necessaire est que, devant ung crestien agonisant et travaillant a la mort, |368 soit leu et exposé et desclairé, se possible est souventes fois et a haulte voix, le Symbole de la foy, c’est assavoir le grand Credo, |369 affin que par ce ouÿr souvent repeter, le malade y puisse tousjours incliner son oreille et avoir plus grande constance de courage a mourir en la foy de Dieu, |370 avecques ce que les parolles du Symbole sont si dignes et plaines de grant efficacité que les dyables s’en recullent et ont paour de les ouÿr prononcer.
250 Variante de W : pour tant – Note : Une illustration pleine page, seules les trois dernières lignes sont occupées par le texte sur deux colonnes.
255 Variante de W : et le commencement
256 Note : Augustin, De Fide et operibus, I, 15, 24
264 Variante de W : le (aprés tout) mq.
267 Variante de W : s. en que
281 Variante de W : et cetera mq.
288 Variante de W : ne se consent
290 Leçon non conservée : ut possit sustinere – Variante de W : ut possit s.
291 Note : Paul, Première Épitre aux Corinthiens, 10, 12
293 Variante de W : vainquit
298 Note : Une illustration pleine page, seules les quatre dernières lignes sont occupées par le texte sur deux colonnes.
302 Variante de W : contraire
310 Variante de W : que mq.
314 Note : Grégoire Ier, Homiliae in Evangelia, XXVI, 1
317 Note : Paul, Épitre aux Hébreux, 11, 6
320 Variante de W : judicatus
321 Note : Jean, 3, 18
323 Leçon non conservée : dit fide est – Variante de W : Fide
324 Note : Augustin, Sermones, I, XXI, 11.
326 Variante de W : cristi quem carnem
327 Note : Augustin, De verbis Domini et apostoli, XVII.
335 Variante de W : peres et meres femmes et e.
337 Variante de W : foy semblable des
346 Variante de W : exemple dit as tu l’a.
348 Leçon non conservée : fort distates lune
359 Note : Marc, 9, 23
363 Note : Marc, 11, 24
367 Leçon non conservée : c. agoissant et
369 Variante de W : ce oyant souvent