[a i r°] |[1] L’art et disposition de bien mourir.
[a ij r°] |[2] Contre remonstrance par figure est l’exposition par escripture de chose vraye. |[3] Et necessaire est cest mirouer vray et examplaire. Entendéz y a bon desir pour bien vivre et bien mourir. |[4] Ja soit ce que, selon le Philosophe ou tiers livre d’Ethiques, de toutes choses terribles la mort du corps est la plus terrible et hydeuse, toutesfois de la mort de l’ame n’est a comparer, |[5] tesmoignant saint Augustin, qui dist : « Plus grande est la perdition d’une ame que de mille corps. » |[6] Tesmoingz aussi saint Bernard, qui dist : « Tout ce monde cy n’est a extimer a la valeur d’une ame. » |[7] Pour quoy la mort de l’ame est tant plus horrible et plus detestable de tant que l’ame est plus noble et plus precieuse que le corps.|[8] Comme doncques l’ame est si precieuse et le dyable, pour la mort eternelle d’icelle, l’omme en sa derniere enfermeté infeste et ravaille de tres grans temptations, |[9] pour ce est trs necessaire que l’omme se pourvoye qu’il ne se perde en icelle mort. |[10] A quoy est expedient que chescun saiche l’art et la disposition de bien mourir, dont parle ceste escripture et poincture, et qu’on le frequente et pregne devant ses yeulx et y pense souvant en sa derniere enfermecté et trespassement, de tres soigneux couraige, |[11] car, comme dist saint Gregoire : « Moult se hante et sollicite a bonne œuvre qui tousjours pense et songe de son derrier diffiniment », |[12] car, si le mal ad venir est preconsideré, que plus facillement le peult on tollerer et soustenir. |[13] Comme dist le Saige : « Les futurs maulx ad venir sont par avant plus legiers a souffrir. » |[14] Mais tres peu souvent aucuns s’aprestent ou dispousent a la mort asséz a temps et de heure |[15] pourtant que chescun cuide tousjours plus longuement vivre et qu’il ne croyt aulcunement qu’il doibve si tost mourir. |[16] Lequel, comme tout certain est, se fait par l’instruit du diable, car plusieurs, par tel vain espoir, se sont eux mesmes negligiéz et meurent tout indespourveüs et indspouséz. |[17] Et pourtant ne doit aulcunement estre donné au malade trop d’espoir de sa corporelle santé recouvrer, |[18] car, selon le bon Chancellier de Paris, « Bien souvent par telle faulse consolation et faincte de sante fait on l’omme entrer en certaine dampnation. » |[19] Pourtant, devant toutes choses, soit induis et attraict le ma[a ij v°]lade au choses que de necessité sont requises a son saulvement crestien. |[20] Premierement, que croire comme bon crestien doit croire et qu’il soit liéz qu’il croye la foy de Jhesucrust et vraye obedience de saincte Eglise. |[21] Secondement, qu’il se recongnoisse griefvement avoir affensé a Dieu. |[22] Tiercement, qu’il se pourpouse veritablement amender sa vie et de jamais plus pechier ou negligier. |[23] Quartement, qu’il pardonne a ses ennemis capitéz et offenceurs, pour Dieu, et qu’il demande pardon a ceulx qu’il a offencé. |[24] Quintement, qu’il rende et restitue ce qu’il a mauvaisement detrait de l’autruy. |[25] Sextement, qu’il congnoisse Nostre Seigneur Jhesucrist pour luy avoir souffert la mort |[26] Et que aultrement ne peult estre saulvéz fors que par la vertu et merite de la saincte passion Jhesucrist Nostre Saulveur, de quoy il rende graces a Dieu de tant qu’il pourra. |[27] Ausquelx paroles s’il respond de bon cuer, c’est signe qu’il est du nombre de ceulx qui seront saulvéz. |[28] Depuis soit soingneusement induis aux droitz usaiges de medicineus sacremens de saincte Mere Eglise. |[29] Premier, que par vraye contrition et douleur face entiere confession, les autres sacremens de saincte Esglise recepvant devotement. |[30] Et sil que de ces dictes choses ne sera par aultruy interroguéz et informéz, il s’en interrogue luy mesmes, considerant s’il est dispousiéz comme dist est. |[31] Qui vrayement ainais est dispousé, il se quicte du tout a la dicte passion Nostre Seigneur, continuellement se peurpensant et meditant, |[32] car par elle toutes les temptations du dyable et en vraye foy mesmement sont separéz et vaincus. |[33] Dont est a noter que les mourans ont plus des temptations qu’il eurent oncques par avant. |[34] Et si ont .v., comme aprés appayra, contre lesqueulx le bon ange leur suggecte et inspire bonnes, remediables et consolatoires inspirations, |[35] mais, affin que a tous ceste matiere soit fructueuse et prouffitable et que nulz ne soit fourcleu de la speculation d’icelle, |[36] ains que en apprengne salutairement a mourir, tant en lettres clerc desservant comme par les ymaiges au lay et clerc ensemble prouffitans |[37] et, pour ce, monstre devant les yeulx de chescun. |[38] Lesqueulx deux, per relative correspond[a iij r°]dance se monstrent comme mireeur en quo les choses preterites, futures comme presentes se presentent et peut on speculer et garder. |[39] Qui doncques veult bien mourir considere ses choses avec les subsequentes bien et diligemment ?
|[40] La temptation du diable de la foy.
[a iiij r°] |[41] Comme ainsi est que foy est fondement de tout salut et sans icelle nulz nep eult estre saulvéz, |[42] tesmoingz saintAugustin, qui dist : »Foy est de tous biens le fondement et entree de humain salut. » |[43] Disant aussi saintBernard : « Foy est commencement de salut humain. Sans icelle nulz ne peut parvenir au nombre des filz de Dieu et sans elle tout labeur himain est inutile. » |[44] Pourtant, le diable, ennemy de toute humaine lignee, de tout son pouvoir travaille l’omme en sa dernireté d’icelle destruire toutallement |[45] ou au mains de heure et y forvier et errer, disant : |[46] « Tu, meschant, es en grant erreur constitué, il n’est point ainsi que tu crois et qu’on presche. L’enfer est fait |[47] affin que, quelque chose que l’omme face, ja soit ce que soy mesmes ou aulcun il tue par indiscroicte penitence, comme aulcuns ont fait, ou ont adouré les ydoles, ainsi que les roys gentiz et plusieurs paiens font, |[48] n’est se mye en fin tout ung ? Car nulz ne retourne disant la verité et ainsi ta creance et foy n’est riens. » |[49] De tel etsemblables choses laboure le diable pour le plus qu’il puisse l’omme en sa darniere angonizant subvertir et destourner de la foy, |[50] car il scet bien que, si le fondement deffault, tout le superediffice necessairement deschara. |[51] Toutesfois est assavoir que en nulle temptation le diable ne peult contraindre l’omme ne aucunement maistrisier et prevaloir qu’il consente a luy |[52] tant qu’il usera de raison se de son bon gré n’i veult consentir. |[53] La quelle chose sur toute riens est a eschever, car, comme dit l’Appostre : « Dieu est tres leal et feable qui ne vous seuffre estre temptés au dessus que vous pourrés pourter, ainsi vous fera par la temptation prouffit affin que le puissés soustenir. »
[a v r°] |[54] Bonne inspiration par l’ange de la foy.
|[55] Contre la premiere temptation du diable donne l’ange consolatoire inspiration, disant : « O homme, ne croy les pestilentes subgections du diable, car il est menteur, car par mentir il deceut les premiers parens, |[56] et ne doubte aucunement en la foy, ja soit ce que par sens ne entendement tu ne le puisse comprendre, |[57] car, se les comprandre pouvés, ce ne te seroit aulcunement meritoyre, |[58] car saint Gregoire dist : ‘Foy n’a point de merite a la quelle humaine raison preste experiment.’ |[59] Mais vous souviegne de la parolle des sainctz peres, c’est assavoir de saint Poul aux Ebreux, unziesme chapitre, disant : ‘Sans la foy, impossible est de plaire aDieu.’ |[60] Et saint Jehan, au tiers : ‘Qui ne croyt, il est ja jugiéz.’ |[61] Et saint Bernard disant : ‘Foy est la primogenite entre les vertus’ |[62] et ‘fust encore plus benoyste Marie Recepvant la foy de Jhesucrist que la char d’icelluy’. |[63] Considere aussi la foy des anciens fidelz, Habraam, Ysac et Jacob et d’aulcubns paiens, c’est assavoir Job, Raab, pecheresse, |[64] semblables pareillement la foy des apostres et des innumerables partirs, confesseurs et vierges, car, par la foy, ont pleu tous anciens et modernes. |[65] Par foy, saintPierre ambula sur les eaues, saintJehan beut sans perilly le venin qu’on luy donna a boire. |[66] Les mons de Caspes, a l’oroison d’Alixandre, par foy sont mus en ung. |[67] Et, pour tant, la foy est entierement benoyste de Dieu. Pour quoy tu dois puissanment resister au diable et fermement croire tous les commandemens de l’Esglise, |[68] car saincte Esglise ne peult errer pour ce qu’elle est gouvernee du Saint Esperit. |[69] Et note, si torst que le malade ou mourrissant se sent tempté contre la foy, pense premiers quant necessaire est la foy, car sans elle nul ne peult estre saulvéz. |[70] Secondement, considere quant utile est, car elle peult tout, disant Nostre Sire ; « Toutes choses sont possibles a celluy qui croit. » |[71] Et encores dist : « Quelconque choses en present vous demandés, creéz, car vous obtiendrés. » |[72] Et aussi l’enferme facillement, par la grace de Dieu, resi[a v v°]stera au diable. |[73] Pour quoi aussi est bon qu’on die le simbole de la Foi entour l’angonizant a haulte voix et qu’i souvent soit repetté |[74] affin que, par ce, le malade ou mouriteur soit animé de constance en la foi et les esperitz malignis abhorrent ouir le dist simbole.
|[75] Temptation du dyable de desesperation.
[a vj v°] Secondement, le diable tempte l’enferme ou mouriteur par desesperation, laquelle est contre espoyr et confidence que l’omme doit avoir en Dieu. |[76] Quant le malade est tourmentee de peinez et doleur en son corps, adonc le diable luy donne douleur sur douleur, a l’omme, |[77] luy reprouchant ses pechiés et par especial les non confessés, affin qu’il le puisse actraire a desesperance, disant : |[78] « Voies tes pechiés, que sont tant que jamais ne peulx acquerir pardon, aussi que peulx bien dire avecques Caym : ‘Plus grande est mon iniquité que je ne puisse avoir pardon.’ |[79] Voyes comment tu trespasse les commandemens de Dieu, car Dieu sur toutes choses tu n’as point aymé. |[80] Aux hommes tu as fait injure et toutesfoys bien scés que nulz ne peult estre saulvéz s’il ne garde les commandemens de Dieu, |[81] car Nostre Seigneur dist : ‘Si vous voulés entrer en la vie eternelle, gardés les commandemens de Dieu.’ |[82] Mais orguilleusement, avaricieusement, luxurieusement, gloutonnement, iracundement, envieusement et paresseusement as tu vescu. |[83] Toutesfoys, tu as ouÿ prescher que par ung pesché mortel l’omme peult estre dampnéz. |[84] Et, oultre, les sept œuvres de misericorde tu n’as pas comply, lesquelx Dieu principalement enquerra au derrier jour, comme luy mesme tesmoingne, |[85] disant a ceulx qui a senestres de luy seront : ‘Allés ou feu eternel, car j’ay eu fain et vous ne m’avés donné que a boire.’ |[86] Et pourtant dist sainct Jacques : ‘Jugement sans misericorde se fera a celluy qui sera sans misericorde sur terre.’ |[87] Voies aussi comme plusieurs labourent soingneusement en la loy de Dieu, qui toutesfois de leurs salvation n’ousent presumer, |[88] car nulz ne soit s’il est digne de hayne ou d’amour et pourtant nul espoir de salut t’est relinquee. » |[89] Par telles et semblables choses induist si la personne en desesperation, laquelle sur tout aultre mal se fait a eviter, car elle offend la misericorde de Dieu, laquelle vous saulve, |[90] tesmoingz le prophete qui dist : « Les misericordes de Dieu sont, car nous ne sommes point consumés. » |[91] Et saintAugustin dist : « Chescun estant [a vij r°] en peché, s’il desespere par pardon, il pert du tout la misericorde. » |[92] Riens ne offence tant Dieu que desesperation.
|[93] Bonne inspiration de l’ange contre desesperance.
[a viij r°] |[94] Contre la seconde temptation de l’ennemy l’ange donnt le confort, disant : « O home, pourquoy te despreres tu, car, ja soit ce que tant de meurtres, larrecins et homicides eusses perpetré que gouttes sont en la mer et arenes |[95] et aussi se tu seul eusses comis tous les pechiés et mauvaistéz du monde et se d’iceulx n’eusses oncques fait penitence |[96] ne aussi n’auras maintenant pouoir ou faculté de les confesseur, nëautmoins tu ne te devroies deseperer, car en tel cas souffist la seulle contrition du cueur, |[97] tesmoingz le Psalmiste parlant a Dieu et disant : ‘Cueur contrit et humilié tu ne despiceras.’ |[98] Et Ezechiel dist que ‘En quelque heure le pecheur gemist son peché, il luy sera pardonné et son ame sera saulvés’. |[99] Dont dist saint Bernard : ‘Plus grande est la pitié de Dieu que quelque iniquité.’ |[100] Au cas aussi c’estoies certains que fusses du nombre des dampnés, encores ne devroies tu desesperer |[101] pourtant que par desesperation on ne fait riens fors que irriter la Deïté. |[102] Moult plus en est offensé et, de plus, fort encombré et agrevé les aultres pechiés. |[103] La paine aussi eternelle jusques a l’interation en est augmentee. |[104] Jhesucrist aussi pour les pechiés a esté crucifiéz et non pour les justes troitureurs, comme il mesmes tesmoingne, disant : |[105] ‘Je ne suis point venuz pour vocquer les justes mais pour les pecheurs.’ |[106] Exemple avés en saint Pierre regnoiant Jhesucrist ou saint Pault persequetan l’Esglise et saint Mathieu et Zachee, publicans, |[107] Maria Magdalene, pecheresse, et de la femme surprise en adultere ou le larron pendant a la destre de Jhesucrist en la croix, Maria Egiptienne. |[108] Note, si tost que la personne se sent tempter par desperation, pense qu’elle est condempnee et plus dampnable que tous pecheurs |[109] et on ne le doit jamais recepvoir ou s’i adonner pour quelque aultre peché qu’on ait commis ou perpetré, |[110] car, comme dist saintAugustin : « Plus pecha Judas en se desesperant que les Juifz Jhesucrist crucifiant. » |[111] Et, oultre, quant utile et necessaire est esperance ! car, selon saint Crisostome, « Espoir est l’ancre den ostre salut et fondement de nostre vie et conduisseur d’ung [a viij v°] chescun par la quelle on va au ciel. » |[112] Et pourtant n’est elle jamais de relinquir pour pechié ou meffait quelconque.
|[113] Temptation du dyable d’avarice.
[b i v°] |[114] La tierce temptation de l’ennemy est avarice, que, plus infestant et tra vaillant les seculiers et charnelz, est trop grant occupation de choses foraines et temporelles, |[115] c’est asavoir la femme et amis charnelz ou temporelz et les richesses et enseignemens d’aultres affaires que, en leur vie, ont possidé ou le plus aymé, |[116] par lesquelles le diable tres fort vexe et travaille la personne a son diffinement, disant : |[117] « O chetif, malleureux, tu relinques et delaisses tous les biens temporelz, lesquelz par plusieurs sollicitudes et tres grans labeurs sont assemblés. |[118] Aussi deslairas au dernier ta femme, tes enfans, tes cousins, parens et chiers amis et toutes aultres choses semblables de ce monde, |[119] dont te seroit grant soulas d’estre encores en leur compagnie et seroit a eulx occasion de grant bien et plaisir. » |[120] Telles et semblables distructions, selon les affaires et conditions du pacient, l’ennemy, par stimulation d’avarice et couvoitise, repute a l’omme en ses extremes dernieretéz |[121] affin que aussi, par l’amour et cupiditéz de ces choses terriennes, il le mette et destourne hors de l’amour et affection de Dieu et de son propre salut. |[122] Dont singulierement est a noter que on doit garder tres chierement que on remambre au malade ses parens et amis temporelz et charnelz, femme, enfans, avoir ne aultres choses transitoires, |[123] fors de tant que sa santé spirituelle le requiert ou pourroit demander, veu que autlrement se seroit tres griefve et de trop grant peril, |[124] car, aussi, par telle commemoration aou souvenance seroit le malade enpeché et rapellé des choses spirituelles et solutaires |[125] aulx quelles lors, de toute vigeur et puissance ou par dedens et dehors, sa fait a entendement cordial et seroit convertis de soy occuper a ses miserables choses temporelles et charnelles.
[b ij v°] |[126] Bonne inspiration de l’ange contre avarice.
|[127] Contre la tierce temptation du dyable donne l’ange bonne inspiration, disant : |[128] « O homme, ne vueilles oÿr les maulvaises suggestions de l’ennemy, par lesquelles t peue lier et mocquer. |[129] Pour quoy les choses temporelles du tout delaisses et mest au derrier. |[130] Delesses desquelles la memoyre ou raysongnement ne te peut riens proffiter ou tourner a ton salut mais a grant empeschement et enconvrier d’icelluy. |[131] Si soyes memoratifz de la parolle de Nostre Seigneur, disant a ceux qui sont adonnéz et obstinéz a telles choses : |[132] « Cy fault il qu’il renonce a tout ce qu’il possede, il ne peult estre mon disciple. » |[133] Et en oultre : « « Celluy, dist il, qui vient a moy et ne hais ses pére et mere, femme et enfans, freres et seurs, encores en peult il estre mon disciple. » |[134] Item, a ceulx qui renoncent a telles choses dist il : « Celluy qui relinque et delaisses sa maison, freres, seurs, pére et mere et sa femme ou enfans ou ses heritages pour mon nom le double en recepvra et possidera la vie eternelle. » |[135] Remembre toy aussi la povreté de Jhesucrist Nostre Saulveur en la croix pour toy pendant, sa tres sainte benigne Mere et ses tres chiers disciples pour ton salut volontairement delaissent. |[136] Considere aussi que tant de sainctes et devotes personnes, en ceste renunciation et contempnement de biens et choses seculieres, ont ensuivy, dignes de avoir leur tres haulte remuneration : |[137] « Venés, les benoitz de mon Pére. Possidéz le regne celestiel qui vous est appareillés dés le commencement du monde. » |[138] Si, emprime ses choses en ton cueur et les transitoires toutellement deboute de hors de ton cueur comme venin et le mectz entierement a la voluntaire saluataire pouvreté |[139] et aussi, par la promesse precedente, le regne des cieux te sera donné et le obtiendras, |[140] disant Nostre Seigneur : « Bien heureux sont les pouvres d’esperit, car a eulx est le regne des cieux. » |[141] Et tu te commectz doncques plainement a Dieu, il te donra reppeulx et reichesses qui ne fauldront point. |[142] Note que, quant le malade se sent [b iij r°] tempté par avarice et admour des choses terrienes, considere premier que celles affections font la persone separir et retraire de Dieu, |[143] car celle affection fourculst et restand l’amour de Dieu. |[144] Pourtant, ayes parfaicte fiance en luy, tesmoingz saint Gregoire, qui dist que « De tant est l’omme de l’amour supernelle eslongné de tant que les creatures prennent delectation et plaisance es choses terriennes ». |[145] Secondement, pense que la spontaine et voluntaire pouvreté fait l’omme bien hereulx, le adroissant au ciel, |[146] disant Nostre Seigneur : « Bien heureux sont les pouvres d’esperit, car, ainsi que dist est, a eulx est le royaulme des cieulx, etc. »
|[147] Temptation du dyable par impacience.
[b iiij r°] |[148] Quartement, le dyable tompte le malade par impacience, que vient souvent par grant maladie, disant : |[149] « Pourquoy tu souffres ceste grant doleur que est ontolerabile de toute creature et a toy du tout inutile. |[150] Ne aussi par tes demerites tel douleur par droit ne devroit estre advenu, |[151] car il est escript que ‘Es paines le plus benigne interpretation se doit faire’. |[152] Aussi, c’est chose moult griefve que nulz a compassion de toy et que sans raison seuffre tel mal, ja soit ce que les amis faingnent complaindre de bouche. |[153] Toutesfois, principalement pour tes biens que tu leur laisses, du cueur ilz desirent ta mort, |[154] mais, to name yssue de ton corps, a grant paine par l’espace d’ung jour, ton avoir a eulx delaissé, veullent auberger ton corps. » |[155] De telles choses et semblables, a impacience, que est contre charité, de laquelle sommes tenus Dieu aymer sur toutes choses, le diable se force de traire l’omme affin qu’i perde ces merites. |[156] Noter est que aux malades tres grant douleur de corps advient, mesmement a eulx que non mourent de mort naturelle, laquelle se fait peu souvent, |[157] ainsi comme l’ensegne experience manifeste mais tres souvent par accident, soyt de feuvres, de postume ou d’aultre maladie griefve, afflictueuse et longue, que aux gens dissoult et mourir seullent. |[158] Laquelle maladie plusieurs et, par especial, les plus indispousez a la mort, et en mourant, les fait en tant impatiens et murmurans |[159] que tres souvent, par trop de douleur et impacience, semblent devenir hors du sens comme de plusieurs speronnes de vray charté, |[160] tesmoingz saintJherome, que dist : « Si aulcuns a douleur trop, et cetera. »
|[161] Bonne inspiration par l’ange de pacience.
[b v r°] |[162] Contre la quarte temptation du diable donne l’ange bonne inspiration, disant : |[163] « O homme, oste de ton couraige impacience, par laquelle impacience le diable, par ses mortiferes instifations, aultre chose en quiert que le detriment et perdition de ton ame, |[164] car, par impacience et murmuration, l’ame est perdu aussi que, par pacience elle est saulvee, |[165] tesmoingz saintGregoire, que dit : « Nul murmurant n’entre le royaulme des cieulx. » |[166] Pour quoy dont, ceste maladie, la quelle au regard de tes merites est legiere, |[167] pourtant qu’elle vient devant ta mort, c’est comme purgatoire quant elle est tolleree et souffrians comme il le convient, |[168] c’est assavoir patienment et voluntiers en gratuité, car non seullement besoingz est de gratuité es choses que sont de consolation, |[169] mais aussi es choses que sont d’affliction, car, aussi que dit saint Gregoire : |[170] « Misericordement Dieu baille tmeporelle maladie affin qu’il ne baille purgatoire eternelle. » |[171] Et saintAugustin dist : « Sire, icy brulle, icy tranche, affin que eternellement tu me pardonnes. » |[172] Nulles doncques tribulations te pertroblent, car il monstrent que Jhesucrist ne te veult relinquir, |[173] ensuivant ce que escript saint Augustin : « Les maulx que icy nous prensent nous contraignent d’aller a Dieu. » |[174] Et, pourtant, le saulve de l’ame ne se prouve en la complaisance de la chair mais ainçoiz eternelle dampnation. |[175] Comme dist saint Augustin : « Signe manifeste de dampnation est d’oubtenir ses plaisirs et stre aymés du monde. » |[176] Et, derechief, il est dist : « Merveilles que atous ceulx qui sont a dampner en enfer tous cailleaux ne s’esbatentn en leur soulas, |[177] mais merveilles est que atous qui sont a saulver eternellement toutes pierres ne sublevent en leur peril. » |[178] Oste donc de toy impacience comme venemeuse pestilence et en prennres le tres fort espoir de pacience dont tous les ennemis de l’ame sont facilement superé |[179] et regarde Jhesucrist, le tres pacient, et tous les sainctz jusques a la mort. |[180] Et note, quant l’enferme se sent temptéz par impacience, premiers, cosnidere quant nuysant est impacience, car, inquietant et perturbant l’enferme, le distourne de Dieu, |[181] qui dist : « Sur que repousera mon esperit si non sur le humble et paisible de cueur.’ |[182] Secondement, pense que pacience st bien sollicitement a preserver, premiers [b v v°] car elle moult est necessaire, don l’Apostre dit : « Pacience vous est necessaire. » |[183] Et Nostre Seigneur dist : « Voirement ne falloit il point que Jhesucrist souffrist et aussi entre en sa gloire ? » |[184] Et saintGregoire dit « Jamais ne estre gardee concorde que par pacience ». |[185] Secondement cer elle est tres utile, disant Nostre Seigneur : « En vous pacience possiderés vous ames. » |[186] Et saint Gregoire dit : « C’est chose de meilleur merite porter adversit que d’entendre et aymer aux bonnes œuvres. » |[187] Item le dist saint Gregoire : « Sans fer pourrons nous estre martirs si vrayement gardons pacience en nostre couraige. » |[188] Et Salomon dist : « Le pacient est meilleur que fort homme et qui domine et maistrise son courage que l’expungnateur ou conquestans des villes. »
|[189] Temptation du dyable de vaine gloire.
[b vj v°] |[190] Quintement, le dyable tempte l’omme malade ou mourissant par sa propre complacense, qui est orgueil spirituel, par la quel il est aux devotz, religieux et parfais plus infestes et molestans, |[191] car il ne peult l’omme denoncer de la foy ou a desperation ou a impacience induire et actraire. |[192] Adocques tempte il homme par sa propre complaisance, luy jectant au devant telles pensees : |[193] « O homme, comment tu es ferme en la foy ! Comment tu es fors en esperance et com tu es constans et paciens en ta maladie ! |[194] O quant moult des biens tu as faitz ! Tres grandement tu dois avoir gloire, car tu ne es point comme les aultres, |[195] qui ont perpetré innumerables maulx et toutes voies, d’ung seul gemissement aux regnes des cieulx sont parvenus. |[196] Pour quoy le regne des cieulx, de droit, ne te peult estre denyé ou escondue, car tu as loyaulement combatus pour tout prandre. |[197] La couronne qui t’est appareillé et le plus hault et excellent siege devant les aultres tu obtendras par telle etsemblables choses. » |[198] Le diable isntamment labeure de mectre l’omme a spirituelle orgueil ou a sa propre complaisance. |[199] Pour quoy est a noter premierement car par tel l’omme resemble au diable, car per tel orgueil il ce fait d’ange diable. |[200] Secondement, car par orgueil appert que l’omme commect et fait blaisme a Dieu par ce que, le bien qu’il a de Dieu, le presume avoir de luy mesmes. |[201] Tiercement, que si grande porroit estre sa complaisance que par icelle seullement seroit dampnés. |[202] Dont dist saint Gregoire : « Se aulcun remembre le bien qu’il a fait, de luy mesmes s’en eslieve, devers l’auteur de humilité en chiet et tresbouche. »
|[203] Bonne inspiration de l’ange contre vaine gloire.
[b vij v°] |[204] Contre la quinte temptation de l’ennelmy l’ange donne bone inspiration disant : |[205] « Meschant miserable, pour quoy te orgueilliz tu en arrogant et attribuant a toy mesmes ocsntance de foy, esperance et pacience, laquelle toutes voys seullement tu doibz attribuer a Dieu, |[206] car point de bien ou vertu n’as de toy mesmes, disant Nostre Seigneur : ‘Sans moy ne peulz riens faire’ ? |[207] Et aultre part est escript : ‘Tu ne doys quelque bien arroguer a toy. Tu ne te vanteras point, tu ne t’essauceras point par furte ou impudentement esleveras. Tu ne presumeras riens de toy.’ |[208] Et de rechief dist Notre Seigneur : ‘Se vous ne devenés comme cestuy petit enfant, humbles, vous n’entreroy point ou royaulme des cieulx.’ |[209] Pourtant, humilie toy, tu seras exalcéz, come verifie Nostre Seigneur, disant : ‘Qui se humilie sera exalcé.’ |[210] Et saint Augustin dist : ‘Si tu te humilie, Dieu descendra a toy. Se tu eslieves et exalces, Dieu se partira a toy.’ |[211] Tourne doncques ton couraige d’ogeulleuseté, laquelle jadiz transmuer fist et abismer le tres bel ange sur tous le tres plus lait et tres hideux diable |[212] et le gecta de la haulteur des cieulx ou parfon d’enfer, laquelle aussi fut cause de tous pechés. |[213] Dont dit saint Bernard : ‘Commencement de tout peché et cuase de toute perdition est orgueil’, |[214] disant oultre : ‘Ostéz ce vice et sans paine tous aultres vices seront delaissés’. |[215] Pour quoy est a noter singulierement que, quant le malade se sent tempté par orgueil, il doit premier pancer |[216] que orgueil a tant despleu a Dieu que, a celle occasion, il banist et debouta au plus bas d’enfer le tres noble creature sur toutes, Lucifer, avecques tous ses adherens, a dampnation et exil perpetuellement.
[b viij v°] |[217] Bien utile conclusion de ceste salutaire doctrine.
|[218] Ce le moriteur laborant en agonye et extremis peult parler et avoir usance de raison, il doyt ses oraison expandre a Dieu, |[219] premier invocquer et prier que, par sa tres estimale misericorde et par la vertu de sa passion, il le daigne recepvoir en sa grace. |[220] Depuis, priera par toute diligence la Vierge Marie pour sa patrone et moienneresse et, aprés, tous les saintz anges et, par especial, l’ange en sa propre garde deputé |[221] et, en oultre, les apostres, martirs, confesseurs et vierges et toutesvois ceulx ou celels plus singulairement qu’il a eu en dilection et reverence, |[222] desqueulx le ymage, de la saincte croix et de Nostre Dame luy seront mys au devant. |[223] Item, il dira trois foys cestuy vers : ‘Se tu as desrompu mes loyens, je te sacriffiray l’ostie delouange.’ |[224] Car sest vers, selon Cossidore, est de tel vertu et efficace que les pechés de la personne luy sont pardonnés en la fin, par vraye confession devotement soit dit. |[225] Item, die trois foys ses motz ou semblables, les queulx on attribue a saintAugustin : |[226] ‘La paix de Nostre Seigneur Jhesucrist et la vertu de la tres benoiste passion et le seigne de la croix et la tres entiere purité, integrité de la tres saincte mere de Dieu, la Vierge Marie, |[227] et la benediction de tous les sainctz et sainctes, la garde des anges, ensemble les intercessions et suffraiges de tous les esleuz de Dieu |[228] soient entre moy et mes ennemys visibles et invisibles en ceste heure de ma mort. Amen. » |[229] Et, comme ainsi soit que le salut est et conciste en son diffiniement de ce monde, chescun se doyt soingneusement pourvoyr d’ung bon, devot, saichant, feal et ydonne amy, |[230] qui luy assiste en ceste necessité et ocnforte a constance de vraye foy, pacience, devotion et perseverance, |[231] le movent et incitant a bon devoir, couraige et adressement de cueur a Dieu et aussi a sa doulce mere, en priant pour luy feablement en son agone et trespas |[232] et, aprés, par bonne oroisons et commendacions, lequel luy peult moult valoir a sa salvation et pour tel assistant au malade chose de tres grant merite tribue aussi, [b ix r°] vauldroit comme pour luy. |[233] Mais on en treuve peu de telz qui, en sa mort, ne si feablement assistant et trouvé, a leurs prochains amys, |[234] les interrogans et hortans, remonstrant et admonestant a leur derrier salut et perpetuelle salvation. |[235] Et, pour ses prieres, lors et aprés, ayent heure de prier et faire prier comme besoing est et, par especial, quant le malade ne s’adonne et ne veult bonnement encores mourir. |[236] Si est a doubter que les mourrissans, bien souvent, en ses tres dangereux article de mort, se portoient meschanment a apareillier et precipiter sans bonne conduite et convenable adresse.
|[237] Cy finist le tres excellent livre appellé L’art et disposition de bien mourir.
[3] Leçons de l’incunable X non conservées : vraye examplaire
[7] est qe tant
[10] devant sex yeulx
[12] car sil mal ; preconsiderer
[13] legiers sont a
[17] doit on aulcunement
[18] on mq.
[22] Dans pourpouse, on trouve a l’initiale p9 suivi de deux caractéres non déchiffrés
[27] cuer c’est mq. ; ceulx quil seront
[32] elle mq.
[34] si aulcune comme
[35] et que (aprés prouffitable) mq.
[36] tant en clerc lettre
[38] mirereur
[39] considerent
[43] Sans (aprés humain) mq.
[45] y sourier et
[47] indistroicte
[49] choses pour le plus labouer le diable qu’ ; la foix (car)
[50] bien qui se le
[51] assavoir qui en
[52] gré vouloir n’i
[53] dessus qui vous
[55] pestilences ; par mentiri
[56] compredre
[57] ne répété
[58] Foy n point
[60] saint Jherome au ; ja juguz (et)
[63] d’aulcuns paparens c’
[66] caspes aleroison d’
[70] tout mq.
[74] animé et constance ; ouir lesdist
[78] aussi que ne peulx
[79] n’ mq.
[84] enquerre
[89] mal le fait : a mq.
[90] prophete quil dist
[94] eusses perpere que
[95] seul eussies c. ; neussies o.
[96] devries
[97] despeciaras
[100] fussies
[107] femme mq.
[108] tempte ; condempne ; dapnable
[111] Crisosme
[112] relinquit
[114] est (aprés charnelz) mq.
[122] singulierement et est
[131] abstinez
[132] a tour ce
[133] et (aprés moy) répété
[139] regne du cieux
[146] a cieux est
[147] temptatio
[152] seurffre
[155] l’omme a impacience affin
[157] a. malade g.
[158] par espacial le plus
[159] et impatient s.
[167] est tollera et
[168] et (aprés patienment) répété
[170] maladie aussi qu’il
[175] oubtenir es ses
[176] de nchief ; ne scsbaterent leur
[177] ne subleuement en
[178] p. donc t. ; f. separé (et)
[180] inquietant ; p. l’enferme et distourne de
[183] Jhesucrist souffert et
[184] concorde qui par
[185] est trois utile
[189] mq.
[190] complacens ; il est devotz aux r. ; et (aprés infestes)
[194] ne ses point
[196] tu es loyaulement
[197] obtendres
[201] Tiercement qui si ; complaisance uqi par
[202] auteur du h.
[203] Bonne esperance de
[207] arrogues ; vantiras ; impulentement
[215] singulierement qui quant
[216] (pancer) qui orgueil ; deboute
[221] que la eu
[223] Iter il dire t. ; mes vaines je te sacriffiroy loste de
[224] Car ses v. s. Cassidonez est ; devotement tloit doit (Item)
[229] le salui est
[231] bon devoit c.
[232] et comment dacions lequel