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|1 L’art et disposition de bien mourir.

[aij r] |2 Contre remonstrance par figure est l’exposition par escripture de chose vraye. |3 Et necessaire est cest mirouer vray et examplaire. |4 Entendéz  y a bon desir pour bien vivre et bien mourir.

|5 Ja soit ce que, selon le Philosophe ou tiers livre d’Ethiques, |6 « de toutes choses terribles la mort du corps est la plus terrible et hydeuse », toutesfois de la mort de l’ame n’est a comparer, |7 tesmoignant saint Augustin, qui dist : |8  « Plus grande est la perdition d’une ame que de mille corps. » |9 Tesmoingz aussi saint Bernard, qui dist : |10  « Tout ce monde cy n’est a extimer a la valeur d’une ame. »

|11 Pour quoy la mort de l’ame est tant plus horrible et plus detestable de tant que l’ame est plus noble et plus precieuse que le corps. |12 Comme doncques l’ame est si precieuse et le dyable, pour la mort eternelle d’icelle, l’omme en sa derniere enfermeté infeste et travaille de tres grans temptations, |13 pour ce est tres necessaire que l’omme se pourvoye qu’il ne se perde en icelle mort. |14 A quoy est expedient que chescun saiche l’art et la disposition de bien mourir, dont parle ceste escripture et poincture, |15 et qu’on le frequente et pregne devant ses yeulx et y pense souvant en sa derniere enfermecté et trespassement, de tres soigneux couraige, |16 car, comme dist saint Gregoire : |17  « Moult se hante et sollicite a bonne œuvre qui tousjours pense et songe de son derrier diffiniment », |18 car, si le mal ad venir est preconsideré, que plus facillement le peult on tollerer et soustenir. |19 Comme dist le Saige : |20  « Les futurs maulx ad venir sont par avant plus legiers a souffrir. » |21 Mais tres peu souvent aucuns s’aprestent ou dispousent a la mort asséz a temps et de heure |22 pourtant que chescun cuide tousjours plus longuement vivre et qu’il ne croyt aulcunement qu’il doibve si tost mourir. |23 Lequel, comme tout certain est, se fait par l’instruit du diable, |24 car plusieurs, par tel vain espoir, se sont eux mesmes negligiéz et meurent tout despourveüs et indispouséz. |25 Et pourtant ne doit aulcunement estre donné au malade trop d’espoir de sa corporelle santé recouvrer, |26 car, selon le bon Chancellier de Paris, |27  « Bien souvent par telle faulse consolation et faincte de santé fait on l’omme entrer en certaine dampnation. »

|28 Pourtant, devant toutes choses, soit induis et  attraict le ma[aij v]lade au choses que de necessité sont requises a son saulvement crestien. |29 Premierement, |30 que croire comme bon crestien doit croire et qu’il soit liéz qu’il croye la foy de Jhesucrist et vraye obedience de saincte Eglise. |31 Secondement, |32 qu’il se recongnoisse griefvement avoir affensé a Dieu. |33 Tiercement, |34 qu’il se pourpouse veritablement amender sa vie et de jamais plus pechier ou negligier. |35 Quartement, |36 qu’il pardonne a ses ennemis capitéz et offenceurs, pour Dieu, et qu’il demande pardon a ceulx qu’il a offencé. |37 Quintement, |38 qu’il rende et restitue ce qu’il a mauvaisement detrait de l’autruy. |39 Sextement, |40 qu’il congnoisse Nostre Seigneur Jhesucrist pour luy avoir souffert la mort |41 Et que aultrement ne peult estre saulvéz fors que par la vertu et merite de la saincte passion Jhesucrist Nostre Saulveur, |42 de quoy il rende graces a Dieu de tant qu’il pourra. |43 Ausquelx paroles s’il respond de bon cuer, |44 c’est signe qu’il est du nombre de ceulx qui seront saulvéz.

|45 Depuis soit soingneusement induis aux droitz usaiges de medicineus sacremens de saincte Mere Eglise. |46 Premier, que par vraye contrition et douleur face entiere confession, |47 les autres sacremens de saincte Esglise recepvant devotement. |48 Et sil que de ces dictes choses ne sera par aultruy interroguéz et informéz, il s’en interrogue luy mesmes, considerant s’il est dispousiéz comme dist est. |49 Qui vrayement ainsi est dispousé, il se quicte du tout a la dicte passion Nostre Seigneur, |50 continuellement se peurpensant et meditant, |51 car par elle toutes les temptations du dyable et en vraye foy mesmement sont separéz et vaincus. |52 Dont est a noter que les mourans ont plus des temptations qu’il eurent oncques par avant. |53 Et si ont .v., comme aprés appayra, contre lesqueulx le bon ange leur suggecte et inspire bonnes, remediables et consolatoires inspirations, |54 mais, affin que a tous ceste matiere soit fructueuse et prouffitable et que nulz ne soit fourcleu de la speculation d’icelle, |55 ains que en apprengne salutairement a mourir, tant en lettres clerc desservant comme par les ymaiges au lay et clerc ensemble prouffitans |56 et, pour ce, monstre devant les yeulx de chescun. |57 Lesqueulx deux, per relative correspond[aiij r]dance se monstrent comme mireeur en quo les choses preterites, futures comme presentes se presentent et peut on speculer et garder. |58 Qui doncques veult bien mourir considere ses choses avec les subsequentes bien et diligemment.


1 Note : La page ai v est intégralement occupée par un illustration.
3 Leçon non conservée : vraye examplaire
6 Note : Aristote, Éthique à Nicomaque, III, 7
8 Note : Augustin, De civitate Dei contra paganos, VIII
9 Note : Bernard de Clairvaux, Meditationies devotissimae, III (De dignitate animae).
11 Leçon non conservée : est qe tant
14 Leçon non conservée : poincture
15 Leçon non conservée : devant sex yeulx
17 Note : Grégoire Ier, Moralia in Job.
18 Leçon non conservée : car sil mal ; preconsiderer
19 Leçon non conservée : legiers sont a
20 Note : Roger Bacon, Secretum secretorum, 22, 8
24 Leçon non conservée : indespourveus
25 Leçon non conservée : doit on aulcunement
26 Leçon non conservée : on mq.
27 Note : Jean Gerson, Opera Omnia, I, 449.
34 Leçon non conservée : Dans pourpouse, on trouve a l’initiale p9 suivi de deux caractères non déchiffrés
43 Leçon non conservée : cuer c’est mq. ; ceulx quil seront
51 Leçon non conservée : elle mq.
53 Leçon non conservée : si aulcune comme
54 Leçon non conservée : et que (aprés prouffitable) mq.
55 Leçon non conservée : tant en clerc lettre
57 Leçon non conservée :  mirereur
58 Leçon non conservée : considerent