[Admonicions]
|126 La creature temptee du deable en ceste maniere, pour avoir salvation, doit a l’encontre d’icellui et de ses extortions oster son cuer totalement des biens mondains |127 et humblement se recommander a la misericorde de Dieu en offrant recevoir la mort quant son bon plaisir sera, |128 car, comme dist ung docteur nommé l’Escot : |129 « Se aucun se sent mourir et de bon [41r] cuer s’i consent tout ainsi que s’il eust esleu la mort et la peine qui est a passer ce pas, |130 il satisfait pour tous les pechiéz venielz ». |131 Et, qui plus, encores dist il |132 que « Cil se offre a satisfaire pour les mortelz ».
|133 Pour tant, la creature doit prendre garde a son ame et remede a toutes maladies, soient petites ou grandes, |134 et laissier les affaires et besoingnes de ce monde et n’avoir regret a ses amis si non en tant que on leur est prouffitable pour aucun bien espirituel, |135 comme avons exemple de mon seigneur saint Martin priant Dieu ou lict de la mort que, s’il estoit encores prouffitable pour son peuple, qu’il le laissast vivre. |136 Et toute voye il desiroit moult la mort et estre en paradis plus que autre chose. |137 Aussi devons nous faire, car la est le lieu de nostre justification et beatitude.
[41v] |138 Bien doulx et debonnaire est Nostre doulx Sauveur et Redempteur qui, comme dist l’Apostre, ne permet point la creature estre temptee sur tout ce qu’il pourroit estre s’il lui plaisoit mais fait avec la temptation grant fruit, |139 car qui plus est tempté et flagellé du deable plus est amé de Dieu s’il y resiste. |140 La quelle chose fera mais que la creature retourne son entendement humblement vers Dieu en lui requerant qu’il lui donne grace de savoir et pouoir resister a toute temptation et lui rendre son ame pure et nette toute enluminee de foy, |141 car c’est le commancement de salvation avoir.
|142 On doit aussi confesser n’avoir pas si bien vesquu que on deust avoir fait et en avoir douleur et contrition au cuer avec bon propos de se amender se on avoit espace de plus longuement vivre. |143 Et, sans [42r] doubte, se ainsi le fais, Dieu aura pitié de tes pechiéz.
|144 Et si doit la creature croire non pouoir estre sauvee si non par la mort et passion de Nostre Redempteur. |145 Et en icelle dois mettre toute ta confiance en le merciant de ce qu’il a voulu respendre son precieux sang pour racheter tout humain lignage, |146 qui tous eussions esté dampnéz pour le peché de nostre premier pere s’il n’eust voulu estre pendu en l’arbre de la croix pour le restaurer. |147 Et nul autre ne le pouoit faire que lui, qui est Filz de Dieu le Pere eternel et vray justicier de tout le monde.
|148 Se l’ame voit que Nostre Seigneur la vueille jugier, die ce qui s’ensuit : |149 « Vray Dieu, mon Createur, fay de moy, qui suy ta creature, tout ton plaisir. |150 Autrement ne vueil contendre avec toy, si non qu’il te plaise [42v] mettre ta douloureuse mort et passion entre moy et ton Jugement ». |151 Se nostre Seigneur dist icelle avoir desservi dampnation, die de rechief : |152 « La mort de toy, qui es mon Dieu, par la quelle tu m’as une foiz racheté d’enfer, soit entre moy et mes pechiéz et le grant merite de ta tres digne passion soit en lieu des merites que je deusse avoir. » |153 Et apres di : |154 « Mon Dieu Jhesucrist, metz ta mort entre ton ire et moy. » |155 Et, ce dit, trois foiz die |156 In manus tuas, Domine, et cetera, |157 et autres oroisons a la devotion des creatures, a la louenge de Nostre doulx Sauveur qui nous doint bien vivre et bien mourir et son paradis a la fin. |158 Amen.
128 Note : Leçon non conservée : lestot
129 Note : Jean Duns Scot, commentaires du Liber Sententiarum, 4
132 Note : Jean Duns Scot, commentaires du Liber Sententiarum, 4
138 Note : Référence non identifée.
156 Note : Psaumes, 30, 6