[144 r°] |[1] Ce petit livre est intitulé L’art de bien mourir, et cetera.

|[2] Comme le passaige de la misere de l’exil de ce present siecle a la mort soit difficile et moult estrange et horrible, non seullement aux hommes laiz mais aussi aux religieux, |[3] pour doncques estre  instruit de la maniere de bien mourir, j’ay escrit, touchant ceste matere, aucunnes enhortacions, |[4] les quelles Dieu devant, pourront estre prouffitables non seullement a ceulx qui labeurent au derrain de leur jours |[5] |[6] mais aussi a tous autres cincq centz de plaine vie a la congnoissance de quelz elle parvendront, |[7] car cest art et science de bien mourir est generallement bien necessaire a tous bons catholicques pour le prouffit de leur salut. |[8] Et dure ce petit traittié plusieurs chapiltres.

[v°] |[9] Le premier est de la louenge de la mort et de la science de bien morir.

|[10] Le second est des grans temptacions que ceulx qui labeurent a l’article de la mort seuffrent et des remedes contre icelles. |[11] Et est ce chapiltre divisé en .xii. chapiltres dont le premier traicte de la premiere temptacion, qui est de foy, et du remede. |[12] Le .iie. traicte de la .iie. temptacion, qui se nomme desperacion, et de son remedde. |[13] Le .iiie. chapiltre est de la tierce temptacion, nommee impatience, et du remede. |[14] Le .iiiie. si est de la quarte temptacion, nommee complacence ou orgueil espirituel, et du remede. |[15] Le .ve. chapiltre est de la quinte temptacion, qui est d’avarice, et du remede. |[16] Le .vie. chapiltre est des interrogacions que l’en doit faire aux malades. |[17] Le .viie. est des instructions et advertissemens que l’en leur doit donner. [145 r°] |[18] le .viiie. chapiltre est des enortacions et admonnestemens que pareillement l’en leur doit faire. |[19] Le .ixe. est des oroisons que l’en doit dire quant l’en voit que le malade est sur le point de rendre a Dieu l’ame, par ceulx qui sont entour de soy. |[20] Le .xe. si est une exemple d’un papae et de ce que son chapelain fist pour luy en l’article de la mort. |[21]  Le .xie. si est des suffrages, paternoste et Ave Maria et oroison que le chappellain dist pour le pape. |[22] Le .xiie. si est la conclusion de ce present traité ou livre.

|[23]Le premier chapiltre qui est de la louenge de la mort et de la maniere de bien morir.

[v°] |[24] Si comme dit le Philosophe en ses Ethiques, Quamvis secondum Philosophum, tercio Ethicorum, omnium terribilium mors corporis sit terribilissima, morti anime nullatenus est comparanda. |[25] La mort est chose terrible et la derniere de toutes les autres terribles, mais toutesfois la mort de l’ame est de tant plus horrible et plus espouentable et detestable que n’est celle du corps, de tant que l’ame est plus nobe et plus precieuse que le corps. |[26] Dont dit monseigneur saint Augustin : Majus dampnum est in mascione unius anime quam mille corporum « Plus grant dommaige et plus grant perte est d’une ame morte et perdue que ce n’est de mille corps ». |[27] Et saint Bernard aussi dit : Totus iste mondus ad unius anime precium estimari non potest « Tout ce monde n’est nullement a comparager a la noblesse et dignité d’unne seulle [146 r°] ame ». |[28] Et dit le Psalmiste : « La mort des pecheurs entre les autres est tres mauvaise », car, quant ilz meurent, ilz meurent en corps et en ame ensemble. |[29] La mort du corps est la separation de l’ame et de luy, mais la mort de l’ame est separacion de Dieu et de elle. |[30] Jheremie le prophete dit, secundo capitulo : Duo enim  mala fecit populus meus : me derelinquerunt fonte maque vive « Monpeuple m’a deguerpy, qui suis la fontaine de vie ». |[31] Et saint Augustin dit en son livre de La Cité de Dieu : « L’ame est morte si tost que Dieu l’a habandonnee si comme nous veons que le corps est mort si tost que l’ame l’a habandonné. » |[32] Or est ainsi que, si comme la mort des pecheurs est mauvaise, « La mort des saintz est tres bonne », come dit et tesmoigne le sus nommé psalmiste, « et est tousjours precieuse devant Nostre Seigneur ». |[33] Je dy des saintz qui vaincquent l’amour de leur nature par regart de l’amour de Nostre Seigneur, [v°] qui est universel acteur et reparateur de nature humaine. |[34] Pourtant doncques, de quelque mort corporelle que telz saintz meurent, est tousjours precieuse. |[35] Je ne dy pas seullement des saintz martirs ou eslus mais aussi des autres qui sont justes, assavoir des bons chrestiens |[36] qui vainquent, en esperance de immortalité, la desperacion de ceste presente vie mortelle en mourant en Nostre Seigneur Jhesucrist en esperance de leur justificacion, |[37] selon qu’il est escript par l’Apostre, disant : « Jhesucrist est mort pour noz pechiéz et est resuscité pour nostre justificacion. » |[38] Et, pour ce, se nous mourons avec luy, nous vivrons aussi avec luy. |[39] Puis encore di que non seullement la mort des saintz et des justes est precieuse mais aussi celle des pecheurs, combien que mauvais soient, |[40] c’est assavoir de ceulx qui meurent en contricion et repentence de leurs [147 r°] pechiéz et en vraye foy et unité de nostre Mere sainte Eglise. |[41] Dont Dieu nous dit, par la bouche de son prophete Ezechiel, 2° et .xxxiii°. : Si dixero ompo « Morte morieris », et egerit penitenciam a peccato suo, vita vivet et non morietur |[42] « Se bien je dy a aucun mauvais pecheur ‘Tu morras’ et il fait penitence de son pechié, il ne mourra pas pourtant, mais vivre de vie ». |[43] Et ce est a entendre selon le final Jugement, c’est a dire de la rigoureuse justice de la quelle Nostre Saulveur usera en son derrain Jugement. |[44]  Si pouons icy veoir comme Dieu change sa sentence, ja soit ce que son conseil permagne eternellement. |[45] Pourtant, comme dit l’apostre en l’Apocalipse : Beati mortui qui in Domino moriuntur « Beneureux sont les mors qui meurent en Nostre Seigneur », |[46] car, comme il est recité ou quart chapiltre du Livre de Sapience, « Se bien le juste est pre[v°]occuppé de mort, c’est a dire s’il meurt ainçois qu’il ait fait ou acompli sa penitence, il toutesfoys obtendra refrigere par graceé, |[47] car il sera mis en lieu remissible et venial, assavoir en purgatoire, qui est venial, et non pas en enfer, |[48] pourveu que, en mourant, il supporte toutes temptacions et batailles de mort constamment et prudentement. |[49] Platon dit : Summa prudencia est continue mortem sepe premeditari « Souverainne philosophie, c’est a dire souveraine saigesse, est avoir continue meditacion de la mort ». |[50] Et le Saige aussi dit : « La mort n’est autre chose que une yssue de pricon. » |[51] Sur quoy le Psalmiste concordant dit : Educ de custodia animam meam, .xli° capitulo, « Delivre, Sire, mon ame de prison ». |[52] La fin qui est fin de tout peril est deposicion de tres grant charge et, pour ce, quant l’ame est deschargee du corps, elle est quitte d’une grant charge. [148 r°] |[53] Les philosophes dient que l’ame au commencement de sa cracion, c’est quant elle entre au corps, va hors de soy, c’est a dire hors de sa nature, |[54] car elle va de region non materiale, assavoir du ciel, a region materiale, assavoir du monde, ou quel elle demeure comme en exil, |[55] car la region dont elle vient est pure et nette, sans chaleur, sans froideur et sans nulle corruption, et la region du monde est froide et chaulde et plaine de maladies et de toutes corrupcions. |[56] Et pour ce est il que la mort est terminacion de toutes maladies. Elle est aussi evasion de mortiferes questions et de perilz. |[57] Elle est consummacion de tous maulx. Elle est dirrupcion des liens de ceste miserable vie mondaine. |[58] Elle est solucion du droit de nature. C’est le retour au pays. C’est celle qui nous met en voye d’aller en gloire. |[59] Ecclesiastes dit : Dies mortis est melior die nativtatis, .vii°. capitulo, : « Mieulx vault [v°] le jour de la mort que le jour de la nativité ». |[60] Et ce est a entendre des bons tant seullement, car, quant aux mauvais, ne le jour de la nativité ne celuy de la mort ne se peut dire bon. |[61] Et, pour ce, le bon chrestien et aussi chascun pecheur qui est feal et a contricion et repentence de ses pechiéz ne doit jamais doubter la mort corporelle ou temporelle ne se troubler nullement par regart d’elle, quelle que elle soit. |[62]Aussi, en quelque maniere ou par quelque cause que elle vienne, on la doit actendre tousjours et recevoir de franche voulenté en confermant sa voulenté a la divine voulenté |[63] comme il en est tenu juste la parolle saint Mathieu, ou .vie. chapiltre ; Fiat voluntas tua sicut in cela et in terra « Ta voulenté soit faitte en la terre so comme au ciel ». |[64] Aussi par l’exemple Nostre Sauveur, qui dist : Pater my, non mea voluntas sed tua fiat, [149 r°] en faisant oroison au Jardin au temps de sa benoiste passion, |[65] « Mon Pere, non pas ma voulenté mais la tienne soit faitte », car chascune son action est nostre instruction. |[66] Et en ceste maniere se doit porter le bon chrestien s’il veult bien et seurement mourir, |[67] disant ung saige : Belle mori est bene mori « Bien mourir est voulentiers mourir », c’est a dire raysonnable voulenté, combien que ce soit impossible de voulenté naturelle, |[68] car, comme dit saint Ciprien : Carnem propriam nullus umqua odio habuit « Nul ne eut jamais en haine sa char ». |[69] Comme doncques la mort soit a tous commune, tellement que par devoir et par droit faille tous mourir, quant et come et la ou il plaira a Nostre Seigneur, il nous doit tousjours trouver appareillez a son plaisir, car sa voulenté est juste en chascun lieu, |[70] disant Cassien en la Vie des sainctz Peres : «  Dieu est tres feal, car il dispense toutes [v°] choses, tant adversaires que prosperes, si comme lui semble qu’elles sont a nous plus prouffitables. » |[71] Et si regarde et enseigne plus le prouffit de nous que nous meismes, car il scet et voit ce qui nous est necessaire et nous maintes fois demandons nostre contraire. |[72] Si est donc que, comme nous ne puissons enfuir nullement ne eschever ne muer la mort temporelle, nous nous devons disposer et tousjours tenir prestz a la recevoir volentairement sans contradicion, |[73] car, aussi comme dit Senecque : « C’est bien sote sote chose doubter ce que l’en ne peut eschever. » |[74] Puis dit encore : « Se tu veulx fuir les choses aus quelles tu es estraint, il ne convient pas seullement que tu soies ailleurs que ou les choses sont que tu doubtes mais aussi fault que tu soies aultre que tu n’es. » |[75] Affin donc que l’homme chrestien puisse bien et seurement mourir, il se doit parforcier et premierement [150 r°] apprendre et entendre la maniere de savoir bien mourir. |[76] Si dit ung saige : « Qui veult savoir la maniere de bien mourir, il doit tousjours avoir le cœur et le couraige ententif aux choses supernelles |[77] affin que, suant la mort adviendra, elle le treuve pres a le recevoir comme celuy qui actent l’avenement de son compaignon qu’il desire. » |[78] C’est la science en la quelle non seullement les religieux mais aussi tous bons chrestiens doivent principallement estudier. |[79] Et quant je di « doivent », c’est pourtant que les religieux y sont tenus tant par rayson du vœu precedent de leur religion que par vigueur de la loy consequent de nature qui ordonne mourir. |[80] Et les seculiers y sont tenuz par auctorité de la mesme lou, la quelle est telle que elle ne veult nul escuser, tant soit grant ou riche ou fort ou saige que mourir ne le faille. |[81] Le Philoophe dit, [v°] en son livres des Elenques, que « Rayson naturelle bien deliberee congnoist et juge plustost eslire la mort que la mauvaise vie ». |[82] Puis encores dit, ou quart livre de ses Ethiques, que « L’en doit plustost eslire mourir que nullement faire chose qui soit contre le bien de vertu. » |[83] Et ceste election se doit trouver en chascun qui est juste. |[84] Toutesfois, qui vouldra bien considerer la difference de ceste miserable vie a la vie eternelle, il congnoistra et jugera que, quantp lus tost en yssons, tant plus est nostre prouffit, |[85] car, aussi come en ce monde nous ne puissons demorer sans trebucher entre les vices bien souvent cent fois la journee, |[86] ceulx doncques qui moins y demeurent sont ceulx aussi qui le moins de charge de pechiéz enportent avec eulx quant ilz s’en vont. |[87] Et, pour ce, dit doncques le prophete ayant desplasance de plus y demourer : « Hé my ! car ma demoree [151 r°] est prolonguee. Hé my ! que je suis encore eslongié du païs que tant desire. » |[88] Et, pourtant, tout bon crestien se doit tousjours disposer en toutes manieres a bien vivre et a bien mourir aussi, |[89] tellement que, quant Dieu le vouldra appeler a soy, il soit prest de recevoir la mort avec desir. |[90] Exemple de saint Pol, disant : « Je desire estre resolu, c’est a dire morir pour estre et vivre avec Jhesucrist. » |[91] Et ainsi les choses dessus dicte souffisent a presnet quant a la science de bien mourir, et cetera/

[v°] |[92] Il n’est pas a doubter que ceulx qui labeurent a l’article de la mort n’ayent pluseurs grandes temptacions et les [152 r°] nonpareillez qu’ilz ayent oncques eu par avant en plaine vie. Entre les quelles j’en trouve cincq principallez.

|[93] La premiere est de foy, pour ce que aussi que foy est le fondement de nostre salut. |[94] Tesmoing l’apostre qui dit, parlant du salut : « Nul ne peut mettre autre fodnement en nostre salut que foy. » |[95] Et saintAujustin dit : Fides est bonorum omnium fundamentum et humane salutis inicium « Foy est le fondement de tous biens et le commencement de humain slut ». |[96] Et, pour ce, dit de rechief l’Apostre, Ad Hebreos, .xi°. capitulo : Sine fide impossible est placere Deo « Il est impossible que sans foy nul puisse a Dié plaire ». |[97] Et saint Jehan dit : « Celuy qui ne croit est desja jugé. » |[98] Comme doncques foy soit de si grant auctorité, vigueur et excellence que sans elle nul ne puisse obtenir salut, quant vient que l’omme labeure au derrenier de ses jours, |[99] [v°] le dyable vient et se parforce a toute puissance de le troubler et faire varier en elle ou, au moins, luy apporte et met au devant faulces erreurs pour le decevoir. |[100] Et, pour ce, tout bon crestien, quant se voit ainsi estre tenté, doit incontinent ramentevoir et dire continuellement, tant que possible luy est, les .xii. articles de la foy, qui sont contenus au grant Credo in Deum et se fermer en eulx. |[101] Puis encore, pour ce que les maladies aggriefvent et troublent aucunes foys si tres fort les malades qu’ilz n’ont pas advisement de les ramentevoir, |[102] ceulx qui sont a l’etour les en doivent adviser et sur ce leur donner consolacion, |[103] ne seullement touchant les dis articles mais aussi touchant toutes autres escriptures sainctes et bons exemples selon que Dieu leur administre, |[104] car, si tost que l’omme, [153 r°] quel qu’i soit, commence errer en acunne des susdictes, tant plus tost il commence devoier de la voye et de salut. |[105] Non pour quant, ja soit ce que le diable soit tousjours prest a tout effort de troubler l’homme et decevoir, |[106] toutesfois il n’a sur luy nulle puissance tandis qu’il usera de franc vouloir et sera bien disposé en soy, si non en tant qu’il luy vouldra donner consentement. |[107] Et, pour ce, dit l’Apostre : « Ne vueillez pas donner lieu au dyable. » |[108] Et saint Jaques dit : « Faites resistence au dyable et il s’en fuyra de vous. » |[109] Et, pourtant, nul bon chrestien ne doit jamais doubter nullez ilusions ne menaces ne losenges diabolicques ne aussi donner a elles aucun consentement, |[110] car toutes sont mençongeuses, mesmement pourtant que le dyable est pere de mençonge, |[111] mais doit perseveramment et bon couraige demourer en la foy et [v°] unité et vraye obeïssance de nostre Mere sainte Eglise et en elle desirer mourir. |[112] Et aussi est grandement bon et prouffitable que ceulx qui demeurent a l’entour des malades ou aucun d’eulx die le Credo in Deum, ou quel sont contenuz les .xii. articles de la foy, |[113] a haulte voix ou au moins que les manieres le puissent ouyr et appliquier leur couraige a la foy et delaissier toutes vaines ymaginacions et toutes temptacions desquellez seroient assailliz, |[114] car, en ce faisant, le dyable le tenne et le desprise et desdaigne tellement que, quant voit qu’il ne peut riens prouffiter, il s’en va par desdaing. |[115] Puis encores les doit on advertir de la foy de Abraam, de Ysaac et de Jacob et aussi d’aucuns payens si comme de Job, de Raab, de Achiol et d’autres semblables, |[116] puis encore comme, par foy, les apostres, les martirs, les confesseurs et les vierges [154 r°] ont vaincu les royaulmes en ce siecle et a la parfin obtenu le royaulme des cieulx. |[117] Saint Bernart dit : Fides est primogenita inter virtutes « Foy entre les vertus est la premiere engendree ». |[118] Et encores plus te diray :  Beatior fuit Maria precipiendo fidem Christi quam carnem Christi « La benoiste Vierge Marie fut plus benoiste de la foy qy’elle eut de Jhesucrit que de la char de luy ». |[119] Foy est donc de si grant efficace que par elle communement tous les anciens et pareillement ceulx qui de present sont ont moul pleu et plaisent tousjours a Dieu, |[120] car, comme il est desja dit : Sine fide impossibile est placere Deo « Il est chose impossible que sans foy nul puisse plaire a Dieu ». |[121] Le prouffit que nous acquerons de foy est double. L’ung est que, si come le Sauveur  tesmoigne en son euvangille : Omnia possibilia sunt credenti « Toutes choses sont possibles a celuy qui croit ». |[122] L’autre est que vraye [v°] foy impetre toutes choses. Ce mesme aussi tesmoigne le Sauveur, disant : Et iterum quodcumque orantes pecieritis credite quod accipietis « Toutes choses que vous demanderez par voz oroisons vous obtiendréz se vous avéz foy et creance » |[123] et se vous dittez a aucune montaigne que elle se transmue, elle se transmura, si comme firent els montaignes de Caspii, qui se assemblerent et conjoindirent a la priere et oroyson d’Alexandre.

|[124] De la .iie. temptacion qui se nomme desesperation.

[155 r°] |[125] La seconde temptacion est desesperation, qui est contre esperance que l’omme doit avoir a Dieu, |[126] car, quant le [v°] dyable voit que le pacient labeure et est constitué en plus grant angoisse, adont plus tost il vient pour luy mectre douleur sur douleur et si luy met au devant ses pechiéz, |[127] non pas a maniere qu’il en doive prendre contriction et repentence en esperant d’avoir d’iceulx indulgence et pardon |[128] mais affin qu’il le puisse faire cheoir en desesperacion en aprés |[129] pour ce que, selon ce que dit Innocencius ou livre De la Vilité de humaine condicion : « Tout homme chrestien, tant bon que mauvais, voit Nostre benoist Sauveur Jhesucrist en la croix ainçois que l’ame luy departe du corps |[130] et le veoient les bons en toute consolacion de leur salut et les mauvais en toute confusion de leur dampnacion et affin qu’ilz se enhontissent de ce qu’ilz ont perdu le fruit de leur redempcion. » |[131] Puis est aussi de savoir que le dyable met aucunnes fois au devant [156 r°] du malade les pechiéz qu’il a obliéz confesser, pour le tirer a faire cheoir en desesperacion. |[132] Et pour ce dit saintAugustin, ou livre De Verbo Domini : « L’en ne se doit nullement desperer tandis que pacience en Nostre Seigneur adduit l’homme a penitence. » |[133] Encore plus diray que, se aucun avoit commis et perpetré autant de larcins et de meurdres qu’il a de goutes d’eaue en la mer ou de grains de arene, |[134] il pourtant ne se doit desesperer, aussi supposé qu’il n’eust  oncques fait penitence ne ses pechiéz n’eust nullement confessé, |[135] car contriction est de si grant efficace et de si grant vertu que elle souffist a lesauver en tel cas, |[136] quant il la vouldra seullement avoir en criant a Dieu mercy et suppliant qu’il ait de luy mercy et luy plaise donner pardon et indulgence. Et que ainsi soit Il. |[137] Le Psalmiste dit : Cor contrictum et humilatum,  Deus, non despicies « Tu, vray [v°] Dieu, ne despriseras pas le cœur qui aura contriction avec humilité ». |[138] Encore dire Dieu par la bouche de Ezechiel : Quacumque hora peccator ingemuerit, salvus erit « En quelque heure que le pecheur gemira pour ses pechiéz, je oublieray toutes ses iniquitéz ». |[139] Et saint Bernar dit : Major est Dei pietas quam quevis iniquitas « La pitié de Dieu est plus grant que nulle iniquité tant soit grande ». |[140] Et saint Augustin sur saint Jehan : « Il n’est riens dont se faille desperer tandy que l’en est en ceste mortelle vie quia plus potest Deus misereri quam homo peccare plus peut Dieu par misericorde pardonner que l’omme ne porroit ou sceroit pechier, le crisme de desespoir est celuy qui ne se peut medeciner. » |[141] Puis encore dit : « Les malx passéz ne nuisent pas si non en cas que l’en ait plaisir en eulx. » |[142] Pour ce est il que nul [157 r°] ne se doit desesperer, supposé que, comme dit est, il eust comis tous les pechiéz du monde et qu’il luy appareust encore qu’il deust estre du nombre des dampnés, |[143] car aussi desesperacion ne vault a riens sinon que le pecheur offend moult grandement Dieu par elle et que ses autres pechiéz s’en aggrievent et pareillement la paine eternelle s’en aggrieve plus grandement. |[144] Et encore plus te diray. Se tu savoies pour certain que tu feusses du nombre des dampnéa, encores ne te deverés tu point desesperer |[145] pour ce que, par desesperacion, on ne fait rien autre chose fors que la tres piteuse Deité en est tres fort offensee et les autres pechiéz si en sont plus aggravéz et la paine aussi plus grande et eternelle. |[146] Item, Jhesucrist aussi fut crucifié pour les pecheurs et non pour les justes et droituriers, |[147] comme luy mesmes tesmoigne, disant : [v°] Non veni vocare justos sed peccatores « Je ne suis point venu pour appeler les justes mais les pecheurs ». |[148] Item, nota comme dit saint Augustin : Plus peccavit Judas desesperando quam Judei crucifigendo Christum « Plus pecha Judas en soy desesperand que les Juidz Jhesucrist crucifiant ». |[149] Et, oultre, pense comment esperance est necesaire, car, selon Crisostome : Spes est salutis nostre ancora, vite nostre fundamentum, dux itineris quo itur ad celum « Espoir est l’ancre de nostre salut, fondement de nostre vie et conduiseur du chemin par lequel on va au ciel ». |[150] Et pourtant n’est elle jamais a relenquir pour pechié ou mesfait quelconques. |[151] Et, pour ce, quant le pecheur se voit ains iestre tenté, il doit prendre confiance enNostre Seigneur en se retournant a luy, |[152] car plus tost ne recourt a luy en contriction et repentence que plus tost il est pres luy pardonner, |[153] disant saint Bernart : «  Qui est [158 r°] celuy qui ne prendra esperance a impetrer et obtenir indulgence et pardon s’il veult saulvement attendre et regarder la disposition de Nostre benoist Sauveur Jhesucrist en la croix ! |[154] Regarde comme son chief est enclin a te baisier. Regarde  comme ses bras sont estendus a toy embrasser, ses mains ouvertes a te donner, son costéz aussi ouvert a toy aimer et tout son corps eslevéz a se donner a toy. |[155] Pour ce donc, nul ne se doit desesperer, ains tousjours avoir en Nostre Seigneur plaine confiance, car ceste vertu est tres grandement loable et de grant merite devant Dieu. » |[156] A la quelle aussi l’Apostre nous enhorte, disant : « Ne vueillez pas perdre vostre confiance, car elle est celle qui a grant guerdon envers Dieu. » |[157] En outre, affin que nul pecheur ne se doye desesperer, nous avons apparant exemple en saitn Pierre, qui regnia NostreSauveur par .iii. [v°] fois, et saint Pol, qui fut si grant persecuteur de l’Eglise, et saintMathieu, qui fut publicain, |[158] et Marie Magdalene, qui fut grant pecheresse, en la femme qui fut trouvee en adultere, |[159] ou larron qui fut pendu amprés NostreSaulveur en la croix, en Marie Egipciaque et en autres pluseurs grans pecheurs.

|[160] Ensuit la .iiie. temptacion.

|[161]Cy commence la tierce temptacion, qui se nomme impacience.

[159 r°] |[162] La tierce temptacion est impacience, qui est contre charité, par la quelle nous sommez tenuz de [v°] aymer Dieu sur toute chose et nostre proesme comme nous mesmes, |[163] car, ainsi, quant vient a l’article de la mort, les malades seuffrent moult grant douleur de cœur |[164] et mesmement ceulx qui ne mourent pas de mort naturelle mais par accidens si comme par fievres, pestilence ou autres excés |[165] par les quelz les pluseurs morent a grant douleur et a plus de traveil que ne font ceulx qui meurent de mort naturelle, c’est a dire de vieillesse, si comme nous le veons chascun jour. |[166] Puis est ainsi que les maladies sont aucunnes fois tres grieves d’elles mesmes et les aucuns malades si foebles de couraige |[167] que, si tost que l’informité ou maladie les destruit ung pou griefment, ilz se rendent si tres impaciens |[168] que bien souvent ilz en perdent le sens et la lemoire et toute congnoissance de Dieu et dont bien souvent advient [160 r°] qu’ilz s’en perdent, dont c’est pitié. |[169] Sur quoy aussi ditsaintJerosme : Si quis cim dolore egritudinem vel mortem patitur seu accipit, signum est quod sufficienter Deum non dilligit « Se celuy qui est malade porte en douleur sa maladie et d’elle prent impacience et en elle reçoit la mort, c’est signe qu’il n’aime pas souffisamment Dieu ». |[170] Et, pour ce, est necessaire a tout homme qui desire bien mourir que, en quelque maladie que Dieu luy envoye, il ait pacience sans soy enyrer ne troubler par elle nullement, car Dieu les nous donne aucunes fois a nostre probacion. |[171] Et saint Pol dit : Caritas paciens benigna est « Charité paciente et souffrente en toute humilité es tres benigne et agreable a Dieu ». |[172] Disant saint Gregoire en ses Morales : « Toutes les choses que nous souffrons sont justes ». |[173] Et l’Apostre dit : « Toutes les passions que nous souffrons en ce monde ne sont nul[v°]ment dignes au regart de la gloire a venir ». |[174] Et pour ce est il chose injuste de se tenner ene enyrer pour les passions et maladies que nous seuffrons, pourtant dont devon nous prendre pacience et par elle deduire noz infirmitéz, |[175] car, comme dit saint Luc : In paciencia vestra possidebitis animas vestras « En pacience vous possesserés voz ames ». |[176] Et, si comme en pacience se possede l’ame, ainsi par impassience et murmuration, elle se perd et dampne ; |[177] tesmoing saint Gregoire en ses omelies : Regnum celorum nullus mirmurans accepit « Nul qui se enire ne possessera ja le royaulme des cieulx », |[178] Quia opportuit Christum pati et sic intrare in gloriam suam « Car il a falu que NostreSeigneur Jhesucrist ait souffert et ainsi soit entré en sa gloire ». |[179] Nous veons que les pluseurs sont tant compassiens aux [161 r°] maulx d’aultruy que, par compasion, ilz se parforcent reconforter et consoler de fait et de parolles les malades en toutes manieres a eulx possibles, la quelle chose chose louable est. |[180] Moult par plus fort rayson nous devons parforcier avoir en noz infirmitéz pacience et les supporter constamment |[181] si comment veult l’Appostre, idsant : « En mes infirmitéz, je me glorifiray aussi. » |[182] Considere que les maladies que nous seuffrons devant la mort nous sont comme ung purgatoire quant on  les supporte paciemment en louant Dieu. |[183] Comme Albertus dit : « Nous n’avons pas seullement besoing de maladie es choses qui sont a nostre consolacion mais aussi en celles qui sont en nostre affliction. » |[184] et saint Gregoire dit : « C’est par divine dispensacion que, en grant vice, grant maladie soit adjoustee. » |[185] Et pour ce doit le pacient dire avec saint [v°] Augustin : Domuine, hic ure, hic seca, ut in eternum michi parcas « Sire, quant tu vois que je seuffre et suis en angoisse, viens a moy et brule en moy et decouppe ainsi qu’il te plaira affin que tu me pardonnez eternellement ». |[186] Misericorditer Deus adhibet temporalem severitatem ne eternam inferat ultionem. |[187] Et saint Gregoire dit : « Dieu use aucunes fois de rigueur contre nous en ce monde misericordieusement affin qu’en l’autre il nous actraye et ne prengne pas eternelle vengence de nous.é |[188] Nullez tribulacions doncques ne te doivent esmouvoir ne perturber, car ilz monstrent que Jhesucrist ne te veult relenquir ne habandonner, |[189] en ensuivant ce que escript saint Augustin et saint Gregoire : Mala que nos hic punyunt ad Deum nos ire compellunt « Les maulx que nous souffrons en ce monde nous pressent et contraignent [162 r°] d’aller a Dieu et avoir joye pardurable ». |[190] Et pour certain saichés qe le salut de l’ame ne se fait point es plaisirs de la chair ne es voluntéz mondaines mais eternelle dampnacion. |[191] Come  dit saint Augustin : Signum magnifeste dempnacionis est beneplacita assequi et a mond diligi « Signe tres evident et magnifeste de dampnacion est avoir ses desiers acomplis en ce monde ». |[192] Et de rechief : Mirum est omnibus in eternim dampnandis omnes lapides non surgunt in solacium sed magis mirum est quod omnibus in eternum salvandis omnes lapides non surgunt in periculum |[193] « Merveille est, dist il, que ceulx qui doivent estre dampnéz que les pierres et caillous ne se lievent a leur soulas, mais plus grant merveille est que a ceulx qui sont et doivent estre saulvéz que les pierres ne s’eslievent a leur peril et encombrement ». |[194] Oste donc de toy impacience ocmme venimeuse pestilence et coeuvre [v°] toy de l’escu tres fort de pacience |[195] par le quel tous les ennemis et adversaires de l’ame sont facillement surmontéz et vainquus et regarde a Nostre benoist Saulveur et Redempteur Jhesucrist le tres pacient et aussi de tous les sains qui ont souffert et enduré jusques a la mort. |[196] Et doit on principallement considerer qu’il n’est rien plus nuysant que impacience, car elle divertit et separe la personne de l’amour de Dieu, |[197] comme Nostre Seigneur mesmes le dit : Super quem requiescet spiritus meus nisi super quietem et humilen corde ? « Mon esperit ne reposera ne ne sera fors sur l’umble et paisible de cœur ». |[198] Saichéz oultre que pacience doit tres diligemment et estre gardee et cherement tenue, car elle est tres necessaire, |[199] comme dit saint Pol : Paciencia est vobis necessaria. |[200] Et saint Gregoire : Nunquam servari concordia nisi per [163 r°] pacienciam valet « Jamais ne peut estre maintenue ne gardee concorde fors par pacience ». |[201] Et, aprés, elle nous est tres utille et prouffitable, comme dit Nostre Seigneur : In pasciencia vestra possidebitis animas vestras « En vostre pacience possederés voz ames », |[202] c’est a dire, en portant paciemment et en souffrant les paines et tribulacions qui vous survendront en ce monde, vostre ame en aura joye pardurable. |[203] Et saint Gregoire dit : « Pour ce donc, quant celle temptacio navient, nous nousdevons armer de la vertu de pacience et de charité. » | Car aussi impacience est contre charité et qui est sans charité il est sans salut, |[204] car en vraye charité se treuve tousjours pacience qui supporte tousjours toutes choses propres et adverses d’un egal couraige. |[205] Se nous avons hardement de nous exposer aucunes fois et commectre les maulx jus[v°]ques a mort pour complaire  aux princes terriens en esperance d’acquerir leur grace qui est fresle et tantost passee, |[206]  pour quoy ne nous devons nous mieulx enhardir de supporter les maulx que Dieu nous donne pour acquerir vie sans fin ! |[207]  Et saint Gregoire dit : Melioris meriti est adversa tollerare quam bonis opperibus insudare « Tu ne saroies faire œuvre de plus grant merite que d’avoir pacience en tes adversitéz ». |[208]  Item, iceluy Gregorius : iSine ferro martires esse possumus « Sans fer nous pouons estre martirs » se vrayement gardons et soutenons pacience en nostre couraige. |[209]  Et Salmon dit : Melior est paciens viro forti et qui dominatur animo suo expugnatore urbium « C’est chose plus notable et meilleur a l’omme pacient qui scet vaincre et dominer son couraige en ses adversitéz que n’est fort homme [164 r°] expugnateur et conquesteur de villes et citéz ». |[210] Certes, comme dit saint Augustin : « Il n’est riens difficille ne impossible a celuy qui bien ayme. »

|[211] La quarte temptacion est le plaisir que l’en a a soy [v°] meisme.

|[212] Le quel plaisir est aucun orgueil espirituel par lequel le dyable est communement envieux a tous, mais il est tousjours plus fort a ceulx qui sont les plus parfaité et les plus justes. |[213] Si est ainsi que, quant il voit qu’il ne peut induyre l’omme a devoyer de la foy ne a desperacion ne a impacience, adonc i l’assault par complasance  de soy mesme |[214] et si le commence agguillonner et luy mectre au devant les congitacions qui s’ensuivent : |[215] »Tu dois bien estre joyeux et lyéz, car tu as esté tousjours fermes en la foy et bien fort ene sperance et bien constant en pacience, |[216] puis encore de ce que tu as fait pluseurs biens en ta vie : tu as donné beaucoup pour Dieu et fait grans abstinences », et autres pluseurs telles ventences pour le decevoir. |[217] Sur quoy dit Ysidore : « O homme, quel que [165 r°] tu soyes, advise que tu ne soyes arrogant a toy, en te vueilles vanter ne orgueilleusement eslever, ne cuide riens de toy ne rien de bien ne attribue a toy, |[218] car tu peux, en telles oultrecuidances, prendre telles plaisance que elles seront cause de ta dampnacion. » |[219] Car, comme dit saint Gregoire : Reminiscendo quis boni quod gessit, dum se apud se erigit, apud auctorem humilitatis cadit « Quant l’omme remebre le bien qu’il a fait et s’en eslieve enver soy, il chiet d’autre part envers l’aucteur de humilité, assavoir envers Dieu ». |[220] Et saint Augustin dit : Homo, si se justificaverit et de justicia sua presumpserit, cadit « Se l’omme se justifie et presume de sa justice et sainteté, il decline et peiche mortellementé. |[221] Item, Nostre Seigneur dit : Sine me nichil potests facere « Sans moy ne pouez nul bien faireé. |[222] Et autre part est escript : [v°] non tibi arroges : non te jactes, non te insolenter extollas, nichil de te presumas, nichil boni tribuas « Tu ne dois de quelque bien que tu faces enorguillir : tu ne te venteras point, tu ne t’essauceras par force ne aussi ne presmieras rien de toy ». |[223] Et oultre plus dit Nostre Seingeur : Nisi efficiamini sicut parvulus iste, non intrabitis in regnum calorum « Se vous ne devenez, comme cestui petit enfant, humbles et purs, vous n’entrerez opint au royaulme de cieulx ». |[224] Pourtant, humylie toy et vous erés exaulcés, comme le verifie Nostre Seigneur : Qui se humiliat exaltabitur. |[225] Et saint Augustin dit : Si te humilias Deus, Deus descendet ad te. Si te exaltes Deus, recedet a te « Si tu te humilies, Dieu descendra a toy et, se tu t’eslieves et orgueillis, Dieu se partira de toy ». |[226] Retire toy donc d’orgueil, par lequel pechié Lucifer, jadis tres bel [166 r°] ange, fut transmué et devint dyable et sur tous autres dyables le plus lait, horrible et hydeux, |[227] et fut jecté des sainctz cieulx, avec ses coaherens angelz en orgueil, au parfon d’enfer. |[228] Et lequel orgueil fut cause de tous pechiéz, comme dit saint Bernart : Inicium omnis peccati et causa tocius perdicionis est superbia « Le commencement de tout pechié est orgueil ». |[229] et oultre dit : Tolle hoc vicium et sine labore omnia vicia resecantur « Oste ce vice de toy et sans paine tous autres pechiéz te seront resequés et delaissés ». |[230] Pour quoy est a noter singulierement que, quant celuy qui se meurt se sent tempté par orgueil, il doit penser que orgueil a tant despleu a Dieu|[231] que, a celle seulle occasion, il bannit et bouta au plus bas d’enfer la plus tres noble creature desur toutes autres, Lucifer, avec ses coaherens et le daompna en perpetuel exil. |[232] Item doit penser que humilité [v°] a tant pleu a Dieu que, a l’occasion d’icelle, la benoiste Vierge Marie conceut Dieu et sur les trosnes des anges est exaulcee et eslevee. |[233] Pourtant donc, celuy qui labeure a la mort se doit adviser et ramentevoir |[234] que, quant se voit estre tempté d’orgueil, il se doit humilier en se condempnant et en se reputant estre tres grant pecheur, aussi en rementevant ses pechiéz. |[235] Puis, affin qu’il ne tumbe en desesperacion, il doit tousjours eslever et adresser son cœur a Dieu en esperants sa misericorde, |[236] la quelle est par dessus toutes ses œuvres, car, aussi, Dieu, qui est verité infaillible, nous a promis et fait serment faire, en la parolle de son prophete, ce qui s’ensuit : |[237] « Je vis », dit Nostre Seigneur. Nolo mortem peccatoris, sed ut vivat et convertatur « Je ne vueil pas la mort du pecheur mais qu’il se convertisse et [167 r°] vive ». |[238] Si doit l’omme ensieuir saint Anthoine, au quel le dyable dist : « Tu m’as vaincu, car, quant je te vueil aulcer, tu te rabesse et desprises et, quant je te vueil rabesser et d espriser, alors plus tost tu te exaulces. » |[239] Car, aussi, qui pareillement fait, ou soit sain ou malade, le dyable s’en va vaincu dy luy.

[v°] |[240] La cinqiesme temptacion est la trop grant affliction que l’en a es choses temporelles.

|[241] Et ceste temptacion [168 r°] touche plus aux seculiers que aux religieux, car l’amour qu’ile y ont eu par avant les remort, |[242] et le dyable d’autre part vient qui leur met devant les biens temporelz, en disant : |[243] « Le cœur te doit bien faire mal quant il fault que si tost tu habandonnes ta femme, tes enffans, tes amys, tes richesses et tes honneurs mondains. » |[244] Et ainsi le va temptant pour le faire desvoyer de toutes bonnes cogitacions qu’il doit avoir envers Nostre Seigneur pour son salut. |[245] Et doit adonc recourir l’homme a Dieu quant telles vaines congitacions ou temptacions luy sruviengnent. |[246] Et dois oultre penser que toutes les temptacions que le dyable nous vaille ne sont que pour nous perdre et mener en dampnacion eternelle. |[247] Pour quoy les choses temporelles du tout delaisset et metz du tout au derriere, desquelles la memoire ne te peut de riens prouffiter ne aider a ton salut mais destour[v°]ber d’iceluy. |[248] Et soies memoratif de la parolle de Nostre Seigneur, disant a ceulx qui sont adonnéz et fichéz a tellez choses : |[249] Nisi quis renuinciaverit omnibnus que possidet, non potest esse meus discipulus « Celuy, fait il, qui ne renoncera a tout ce qu’i possede ne peut estre mon disciple ». |[250] Et en oultre dit : Si quis venit ad me et non odit patrem suum et matrem et uxorem et filios et fratres et sorores et adhuc animam suam non potest esse meus discipulus |[251] « Celuy qui vient a moy et ne hait ses pere et mere, sa femme, enfans, freres et seurs et sa propre ame ne peut estre mon disciple. » |[252] Item, a ceulx renoncens aus dittes choses, dit : Et omnis qui relinquerit domum vel fratres vel sorores aut patrem aut matrem aut uxorem aut filios aut agros propter nomen, meum centuplum accipiet et vitam eternam possidebit |[253] « Celuy qui delaisset et [169 r°] habandonne sa maison, freres et seurs, pere, mere, sa femme et enfans ou ses heritaiges pour mon nom, cent doubles en recevera et si en aura et posedera la vie eternelle ». |[254] Remembre toy aussi de la povreté de Jhesucrist Nostre Saulveur, en la croix pour toy pendent. |[255] Sa tres amee et benigne mere et ses tres chers disciples pour ton salut voluntairement delaissa et les habandonna. |[256] Considere aussi que tant de sainctes et devotes personnes en ceste reconciacion et contempnement des biens et choses seculieres les ont ensuyvy, dignes d’oÿr leurs tres haultes remuneracion : |[257] Venite, benedicti Patris mei, possidete regnim paratum vobis ab origine mundi « Venez les benoistz de mon Pere, possedés le regne celeste qui vous est appareillé dés le commencement du monde ». |[258] Soit empraint et noté en cœur : les choses [v°] et totallement les transsitoires boutéz arriere de toy comme venim en mectant entierement ta voulenté a povreté voluntaire |[259] et ainsi, par la promesse precedente, le royaulme des cieulx t’ofrera Dieu et l’obtendras, |[260] affermant encore Nostre Seigneur Jhesus, disant : Beati pauperes spiritu quia ipsorum est regnum celorum « Bien eureux sont les pouvres d’esperit, car a eulx est le regne des cieulx ». |[261] Se tu te commetz et metz totallement, il te done richesses pardurables et met et exprent en sa bonté toute ta confidence et salvacion. |[262] Et notéz que, quant le malade se sent tempté par avarice et amour des choses terriennes, doit considerer que celle affection le fait separer et retraire de l’amour Dieu. |[263] Tesmoing monseigneur saint Gregoire : Tanto quis a superno amore disjungitur, quanto hic inferiis creaturs delectatur « De tant est l’omme de l’amour souveraine et [170 r°] divine separé, d’autant que les personnes basses prent sa delectacion ». |[264] Aprés, pense que la voulentaire povreté fait l’omme bien  eureux, car par elle l’omme possede le royaulme des cieulx. |[265] Touteffois, loable chose est que l’homme disposer des biens que Dieu lluy a donné devant sa mort. |[266] Il luy doit souffire et se contenter que simplement il en dispose tant pour le salut de son ame comme pour ceulx a qui ilz appartendront aprés luy, |[267] aussi par maniere que plus il ayme sa conscience en la deschargant d’eulx que ses biens en l’agravant par eulx. |[268] Puis, quant il a disposé tant du corps que des biens temporelz, il doit laisser aller et eschever toutes cogitacions mondainnes et tant seullement se fermer a celles qui touchent le salut de son ame. |[269] Sur quoy dit Scotus, au quart livre des Sentences : « Se aucun malade, quant bient a mourir, prent [v°] vouloir de mourir en consentant pleinement a la mort et en portant pacientement la paine d’elle, |[270] il a desja satifait pour tous ses pechiéz veniaulx et, qui plus est, porte encore avec soy aucune chose a satifaire pour les pechiéz mortelz. » |[271] Et pourtant, l’en ne peult myeulx faire que de confermer tousjours sa voulenté a la voulenté de Nostre benoist Sauveur. |[272] Ilz sont toutesvoyes pluseurs qui ne veullent jamais oïr parler de la mort, combien qu’ilz se veent fort aggravéz et se pour aucune vaine esperance qu’il ont de guerrier de leur maladie. |[273] Et telz malades sont perilleux et ont telle oultrecuidance mainteffois ilz s’en vont en mourant povrement tant au regart du monde que de Nostre Seigneur. |[274] Et, ja soit ce que le dyable, par telles et autres semblables temptacions, nuyt [171 r°]  et jour se parforce decevoir l’homme en toutes manieres qu’il peut, |[275] il toutesfois n’a nulle puissance sur l’homme tandis qu’il aura usaige de raison en soy, |[276] disant sur ce l’Appostre : « Dieu, qui est tres feal, ne souffrera pas que vous soyéz temptéz es choses que vous ne poéz, mais il souffrera bien que en ce que vous pouéz, vous soiés temptéz », |[277] affin que vous soutenéz les temptacions. |[278] Sur quoy dit la Glose que « Dieu est feal, c’est a dire que Dieu est veritable es choses qu’il nous a promises, car il nous donne grace de resister puissamment, voluntairement, fructueusement et parseveramment. |[279] Il nous donne puisance affin que nous ne nous laissions point vaincre, grace affin que nous ayons merite, cosntance affin que nous vaincons et accroissement de vertu affin que nous puissions sou[v°]tenir et que pas ne deffaillons mais puissons vaicnre, assavoir par humilité. » |[280] Dont dit saint Augustin : « Ceulx ne crievent nullement en la fournoise qui n’ont en eulx nul vent d’orgueil. » |[281] et, pour ce tout pecheur se doit humilier soubz la main de Nostre Seigneur et Dieu, qui est puissant, affin qu’il puisse obtenir victoire |[282] moyennant son ayde en toute temptacion, en toute maladie, en toute tribulation, en toute douleur et angoisse jusques a la mort.

[172 r°] |[283] Nous avons veu des temptacions et remedes d’icelles. Maintenant, des interrogacions [v°] des quelles l’en doit user envers les malades.

|[284] Quant doncques ceulx qui sont entour les malades voyent qu’il sont en l’article de la mort, il les doivent reconforter et, en les reconfortant, les doivent doulcement interroguer en charité |[285] comme veult Ancelme, en leur disant en ceste maniere : Mon frere, n’as tu pasleesse en toy de ce que tu meurs en la foy de Nostre benoist S            auveur Jhesucrist ? » |[286] Le quel doit respondre : « Oïl, se Dieu plaist. » |[287] ― « Ne confesse tu pas que tu n’as pas si bien veesquu en elle comme tu deusses ? » ― « Oïl. » |[288] ― « Ne te repens tu pas de ce ? » ― « Oïl. » |[289] ― N’as tu pas bonne voulenté de toy amender se Dieu te donne espasse de vie ? » ― « Oïl. » |[290] ― « Crois tu que tu ne peus avoir salvacion si non moyennant la benoiste mort et passion de Nostre Sauveur Jhesucrist ? » ― « Oïl. » |[291] ― « Or fais que, en perseverant en ceste bonne disposicion en la [173 r°] quelle tu es, que, tandy que l’ame est en toy, tu luy rendes incessamment graces. |[292] Metz en ceste benoiste mort et passion toute ta diance et non en aucunne autre chose. Remetz toy du tout a elle. |[293] Couvre toy du tout d’elle et, se ainsi est que Nostre Seigneur te vueille juger, dy : ‘Je metz la mort de Nostre benoist Sauveur Jhesucrist entre toy et moy et ton jugement et ne vueil aultrement contre toy plaidoyer.’ |[294] S’il te dit que tu as deservi dempnacion, dy : ‘Je metz la mort de Nostre benoist Sauveur Jhesucrist entre toy et moy et mes merittes et offre le merite de sa tres digne passion ou lieu du merite que je deusse avoir et le quel je doubte avoir.’ |[295]  Et s’il dit ‘Et aussi ne l’auras tu pas’, dy de rechief ‘Je metz la mort de Nostre benoist Saulveur Jhesucrist entre moy et ton ire.’ |[296] Puis dy par troys fois : In manus tuas, Domine, [v°] commendo spiritum meum. Redemisti me, Domine Deus veritatis. » |[297] Et combien ces interrogacions appartiennent afaire a religieux ou personnes ecclesiasticques, |[298] nëaumoins, chascun bon chrestien seculier les peut faire en deffault de personne ecclesiasticque, selon que le Chancelier de Paris dit. |[299] En aprés,  on le doit encore interroguer et luy faire les autres interrogacions qui s’ensieuvent quant l’en voit qu’il est constitué en l’article de la mort. |[300] La premiere : « Crois tu tous les principaulx poins et articles de la foy et l’exposicion des sainctz docteurs de sainte Eglise tant sur yceulx articles que sur la sainte Escripture ont faicte, |[301] en detestant toutes heresies, toutes erreurs et faulces religions, lesquelles sont reprouvees de l’Eglise ? » Si doit dire : « Oïl, se Dieu plaise. » |[302] ― N’es tu pas bien leés de ce que tu meurs en la foy de Nostre [174 r°] Sauveur Jhesucrist et en unité et obeissance de nostre mere saintte Eglise ? » ― « Oïl, se Dieu plaist. » |[303] La seconde : « Recongnois tu que tu as souvent et tres griement offensé ton Createur ? » ― « Oïl. » |[304] Car aussi saint Bernard dit : « Je sçay que nul ne peut estre sauvé sans la congnoissance, car d’elle naist la mere de salut, assavoir humilité et cremeur de Nostre Seigneur. » |[305] Le quel cremeur, si comme il est commencement de sapience, ainsi est il commencement de salut. |[306] La tierce interrogacion : « As tu douleur et desplaisir en toy de tous tes pechéz que tu as commis contre la divine majesté et contre sa bonté et son amour et de ce que tu as oublié de faire bonnes œuvres et desprisié les graces ? » _ « Oïl. » |[307] ― [v°] « As tu douleur non seullement de ce que tu as doubté de la mort ou de quelconque paine que tu ayes a souffrir mais aussi par regart de l’amour de Dieu et de justice en charité, par la quelle nous sommes tenuz d’amer Dieu sur toutes choses ? » ― « Oïl. » |[308] ― « Demandes tu sur toutes ces choses pardon ? » ― « Oïl. » |[309] ― « Ne desires tu pas humilier ton cœur a la congnoissance de tes oubliéz afin que plus speciallement tu en puisses avoir repentence ? » ― « Oïl. » |[310] La quarte interrogacion est telle : « Es tu en propox de toy veritablement vouloir amender se Dieu te donnoit espace de plus longuement vivre et que jamais tu ne pecheroies, au moins mortellement, a ton sachant ou de propox, |[311] ains despriseroies toutes choses vaines et plus aymeroies perdre la vie corporelle que nullement par pechié mortel offendre Dieu ? » ― [175r°] « Oïl. » |[312] ― « Ne pries tu pas Dieu qu’i te doint grace de perseverer en ce propox ? » ― « Oïl. » |[313] La .ve. : « Pardonnes tu de bon cœur a chascun et mesmement a ceulx qui te peussent avoir offensé ou ingurié de fait ou de parolle, en quelque maniere que ce soit, |[314] et se par amour et reverence de Dieu, du quel aussi tu actens pardon, en demandant pareillement a ceulx que peux avoir aucunnement, de fait ou de parolles, offensé ? » ― « Oïl. » |[315] La .vie. : « Veulx tu que les choses que tu as prises ou mal acquises ou que tu detiens indeuement soient restituéz si comme tu en es aussi tenu selon tes faultes jusques a faire cession des biens et renoncer plainement a eulx ? |[316] Considere mesment que, comme dit l’Apostre : ‘Le pechié ne se peut remectre qui ne fait restitucion de ce que l’en a pris ou que l’en detient indeument de [v°] l’autruy’. » |[317] La septiesme : « Crois tu que Jhesucrist soit mort pour toy et que autrement tu ne peues estre sauvé sinon par le merite de sa benoiste passion en luy rendant de ce humblement graces ? » ― « Oïl. » |[318] Si est ainsi que tout pacient qui pourra respondre a ses interrogacions affirmativement, en bonne foy et conscience, sans faintise, certainement l’en peuet de luy prendre tant bon argument de salut |[319] et que, s’il meurt en ceste maniere, il est du nombre des sauvéz. |[320] Et, se, par adventure, le pacient ne peut avoir entour soy qui luy face ses interrogacions, pour ce mesmement que chascun n’a pas le sens ne le savoir, |[321] il se doit convertir a soy mesme et les fair entre soy et au plus gracieusement se disposer a elles en tousjours ramentevant la passion de Nostre benoist Sauveur et en se reommandant a elle, |[322] car [176 r°] sans telle disposicion nul ne peuet avoir salut. |[323] Et, s’il se dispose a elle de bon cœur, il surmontera et vaincra toutes tempacions dyabolicques et mondaines eureusement, |[324] aussi par maniere que la couronne luy sera apprestee et donnee qui est promesse a ceulx qui loyalleront en perseverant jusques en la fin.

|[325] Le chapiltre des intructions que l’en leur doit faire et cetera.

|[326] Dit avons dessus des interrogations. Maintenant dirons des instructions que l’en doit faire a ceulx qui labeurent en l’article de la mort. |[327] Saint Gregoire dit : « Toute action de Jhesucrist, c’est a dire toute œuvre qu’i fist, luy estant en ce monde, est nostre instruction. » |[328] Et, pour ce, chascun bon catholicque le doit ensieuvir es choes qu’il fist mourant en la croix.  Il fist cincq choses entre les autres. |[329] La premiere : il fist a Dieu oroyson. [v°]  Et, selon ce que aucuns dient, il dist ces pseaulmes ensuivans, assavoir : |[330] Deus meus, respice in me, jusques a ce vers qui est au huityesme pseaulme continuellement ensuivant, In manus tuas, Domine, commendo spiritum meum. |[331] La seconde : il fist une exclamacion a Dieu. La tierce :  il pleura. La quarte : il recommanda son ame a Dieu.  La .vme. : il la luy remist, si comme les saintz Euvangilles le tesmoignent. |[332] Et c’est pour nous monstrer que pareillement nous devons faire quant nous sommes en l’article de la mort, |[333] car alors nous devons faire priere a Dieu et, se ne le pouons faire de bouche, autmoins le doit on faire de cœur, |[334] car, comme dit Ysidore : « Il vault mieulx faire oroison a Dieu de cœur quoyement sans nul son de voix qu’il ne fait de voix et de parolles qui n’a la pensee entierement a Dieu » |[335] [177 r°] La seconde : il doit crier mercy en gemissant tres fort pour ses pechiéz se il en a la puissance et pouoir et, s’il ne l’a, il souffist qu’il crie de cœur, |[336] car aussi Dieu reagarde plus le desir du cœur qu’il ne fait la clamour de voix, car crier de cœur n’est autre chose que forment desirer remission de ses pechiéz avec eternelle vie. |[337] La tierve : il doit pleurer non mie des yeulx charnelz mais des larmes du cœur, c’est assavoir en ayant cntriction et repentence de ses pechiéz. |[338] La quarte : il doit recommander son ame a Dieu en disant le susdit vers, assavoir : In manus tuas, Domine, commendo spiritum meumL. |[339] La .ve. : que aprés ce qu’il la luy aura recommandee, il la luy doit remectre et, affin qu’il se conferme a la divine voulenté, il doit desmonstrer qu’il meurt voulentiers. |[340] Et, s’il est ainsi qu’il puisse avoir la parolle et l’usaige [v°] de rayson, il doit dire les oroisons et prireres qui s’ensuivent.

|[341] Oroyson.

|[342] O souveraine Deïté, inmesuree bonté, tres clement et tres glorieuse Trinité, souveraine dilection, souveraine ame, souveraine harité, aies pitié et mercy de moy, povre pecheur. |[343] Mon Dieu, mon Createur et mon Seigneur, je te recommande a avoir d’uy a tousjours mais mon esperit. |[344] Haa, tres piteux Pere de misericorde, fay misericorde a ceste ta creature tres povre ! |[345] Soyes moy maintenant en ayde et, en ma derreniere necessité, soyes secourable a mon ame que les felons corbeaux d’enfer ne la dommaignet ne devorent nullement.

|[346] Haa, tres doulx et tres desiré Seigneur et mon benoist Sauveur Jhesucrist, filz de Dieu le vif, a toy revours, te suppliant tres humblement |[347] qu’il te plaisent moy donner et octrier que mon ame, quant [178 r°] departira de ce corps miserable, soit receue et mise entre le nombre des compaignies des beneureux. |[348] Haa, mon benoist Sauveur et mon Redemptor, je me rendz du tout a toy. Ne reffuse pas, car je viens a toy. Ne me repelle pas, car je recours a toy.

|[349] Oroyson.

|[350] Haa, tres doulx Seigneur Jhesucrist, tu sces que je desire ton paradis, non mye par mes merites, car je ne suis sinon cendre et pouldre et tres grief pecheur, |[351] mais la desire en la vertu de ta tres sainte passion par laquelle tu m’as rachaté, aussi par la grant effusion de ton precieux sang me donner ton paradis. |[352] En aprés doit dire par plusieurs fois ou au moins par trois fois ces vers : Dirrupisti, Domine, vincula mea. Tibi sacrificabo hostiam laudis et nomen Domini invocabo. |[353] Car, selon que Cassiodorus dit, ce vers est de si tres grant vertu que, de par [v°] luy, se remettent les pechiéz se l’en le dit de bon cœur en la fin de ses jours, en vraie confession, en vraye contriciton et en vraye repentence de ces pechiéz.

|[354] Aultre oroison.

|[355] Hes, doulx Seigneur Jhesucrist, filz de Dieu le vif, ayes mercy de moy par celle grieve amertume la quelle tu souffris a l’eure de ta mort en la croix pour moy et mesmement quant ta tres sainte ame departy de ton precieux corps. |[356] Haa, tres piteux Jhesus, pardonne, s’il te plaist, a ceste miserable ame qui travaille a la mort, quant du corps departira.

|[357] En aprés, quant ces oroisons sont ainsi dittes, il doit aussi invocquer et souvent et tres instamment reclamer de tout son cœur la glorieuse Vierge Marie, |[358] la quelle est tousjours advocate des pecheurs ne jamais cesse de interceder a impetrer grace [179 r°] pour eulx : |[359] « Reconseille moy, povre pecheur, sa clemence tellement que, pour l’amour de toy, il me face remission de mes pechiéz, moyennant la quelle je puisse parvenir a la grace des beneureux. »

|[360] En aprés doit on aussi adresser son oroison aux anges des cieulx, disant en ceste maniere : |[361] « O esperitz des cieulx, tres beneuréz engelez, venéz a moy et soyéz emprés moy quant de ce siecle departiray. |[362] Deffendéz moy et delivréz de tous agaitz de mes adversaires et recevéz mon ame en vostre compaignie et mesmement entre les autres angeles. |[363] Tu, ange qui m’as esté donné de Dieu en garde, monstre toy estre telle garde que a Dieu tu me puisses sauvement offrir et presenter. »

|[364] Puis doit ramentevoir les [v°] appostres, les martiers et les confesseurs et autres saintz de Dieu et pareillement leur adresser son oroison et mesmement aux saintz qu’il a eu, lyt estant en santé, plus en devocion.

|[365] Item aussi die par trois fous ces parolles ou les semblables les quelles saint Augustin commande pour tres espiciaulx : |[366] Pax DOmini Nostri et virtus passionis ejus et signum sancte crucis et integritas et humilitas beatissime Marie Virginie et benedictio omnium sanctorum et sanctarum, |[367] custodia angelorum necnon suffragia omnium electroum sint inter me et omnes inimicos meos, visibiles et invisibiles, in hac hora mortis mee. Amen.

|[368] Exposision.

|[369] »La paix de Nostre benoist Sauveur Jhesucrist et la vertu de sa passion et le signe de la croix et la integrité et humilité de la tres beneuree Vierge Ma[180 r°]rie |[370] et la benediction de tous les sains et de toutes les sainctes et la garde des angrez et les suffrages et merites des esleuz |[371] soient maitnenat et a l’eure de la mort entre moy et mes ennemis, visibles et invisibles. Amen. »

|[372] Et, quant aura dictes ces aprolles, il y adjoindra et dira par troys fois ce vers : Largire clarum vespere quod vita nusquam decidat sed premium mortis sacre perheni pius instet gloria « Octray moy au derrain de mes jours la vie qui jamais ne deffault et que je puisse obtenir la gloire qui est pardurable pour le loyer de vraye mort. » |[373]Et, se ainsi est que le malade soit tant oppressé de sa maladie que les susdictes croysons ne puisse dire, lors les luy doit dire aucun de ceulx qui sont entour en changant ou muant les choses qui sont a changer ou parler. |[374] Et en ceste maniere s’il rend l’esperit a Dieu, l’en doit avoir bonne esperance de [v°] luy et de sauvacion.

|[375] Des enhortacions que l’en leur doit faire.

|[376] En ce chapitre est a veoir comme les malades sont a enhorter, car pour se trouvent |[377]  ― pas ne diray seullement entre les seculiers mais aussi entre les religieux et autres personnes devotes ― |[378]  qui gaires se disposent a la mort si comme deroient et leur seroit necessaire, car il n’y a celuy qui ne pense tousjours qu’il doit vivre plus longuement. |[379]  Et ce vient par induction du dyable, qui dousjours les entretient tant qu’il peut en ceste vaine esperance de plus longuement vivre pour les decevoir. |[380]  Dont aussi les pluseurs mourent miserablement sans disposer de leur biens, aussi sans avoir nulle repentence ne contriction ne confession de leurs pechiéz, |[381]  Car ilz sont si oppresséz et troubléz de maladie qu’ilz n’ont en eulx nul enten[181 r°]dement ne nul sentement de rayson. |[382]  Et, pour ce, si tost que aucun chiet en maladie quelle que elle soit, ceulx qui sont a l’entour, assavoir ses prochains aprens, ses voysins ou amys, |[383]  le doivent incontinent enhorter en toute charité a disposer tant du corps que de l’ame sans actendre nullement du huy a l’endemain, pour eschever tout paril qui s’en pourroit ensieuvir, |[384]  car, comme nous avons par aucune dcretable ; « La maladie du corps prent commencement de la langueur de l’ame ». |[385]  Et, pourtant, le pape veult et commande expresement, en vertu de obedience, a tous medecins qu’il enhortent et induisent les malades a se disposer et faire paix avec le medecin espirituel, cest avec Nostre Seigneur, ainçois qu’ilz leur donnent aucune medecine corporelle. |[386]  Et, se aucun d’eulx fait [v°] le contraire, il peche mortellement, |[387]  selon que dit Hostiensis : « Pour ce mesmement qu’il est desobeïssant au commandement de l’Eglise et luy est desfendue toute entree de l’eglise jusques a tant qu’il ait satiffait competement de sa transgression et negligence envers Dieu. » |[388]  Et encore leur deffent on, sur peine d’excommenyment, qu’i ne usent de nulle chose envers les malades qui cede ou prejudice du salut de leur ame. |[389]  Mais pou se treuvent au jour d’huy que y veullent avoir avertence. Ains sont communement tous les hommes de ceste condicion qu’il quierent plustost la medecine charnelle qu’ilz ne font l’espirituelle. |[390] Dont aussi les maulx nous adviennent que nous seuffrons pour noz pechiéz, tesmoing le prophete qui dit : « Il n’est nul mal en la cité que Dieu ne face. » |[391] C’est a entendre du mal de la paine et [182 r°] non pas de la couple, car nous en sommes encoulpé et il nous en donne la paine pour deserte. |[392] Et, pour ce, tout malade ou encore chasucn qui est cosntitué en aucun peril doit estre induit et ravisé par les circonstans a faire paix espirituelle avec Dieu devant toutes choses |[393] en demandant et recevant les sacremens de sainte Eglise devotement comme elle commande et que chascun bon catholicque doit faire. |[394] Puis, quant ila disposé de l’ame, il doit disposer et ordonner du corps et de sa maison et des biens temporelz que Dieu luy a pestéz par testament, selon les bonnes usances et coustumes du pays. |[395] Et si ne luy doit on jamais donner trop grant esperance de guarison, combien que pluseirus font au jour d’uy le contraire. |[396] Puis aussi sont aucuns que, quant ilz sont malades, ilz ne [v°] vouldroient jamais ouïr parler de la mort, dont aussi adivent bien souvent que ceulx qui sont a l’entour ne les osent adviser. |[397] Ains s’en vont et defailent aucunnes fois, soubz umbre d’aulcune consolation de plus longue vie, impourveument et miserablement au grant prejudice de leur salut. |[398] Pourtant donc, tout pacient doit estre enhorté par toutes voyes charitables a procurer par vraye contriction le salut de so name. |[399] Lequel aussi luy peut valoir et prouffiter au salut du corps, car, sans nul doubte, il en demourra aprés plus asseuré et plus consolé et moult plus reposable de couraige. |[400] Et jamais ne doit on actendre, comme font les pluseurs, que les maladies soient aggravees, car, comme dit saint Gregoire, « Vraye contriction se treuve pou souvent a la fin ». |[401] Pareil[183 r°]lement dit saint Augustin, et ce mesme aussi ramentevoit le Maistres des Sentences, que « La repentance que l’en a au derrain jour de ses jousr a paine est veue souffire a obtenir salut |[402] et mesmement en ceulx qui ont tout le temps de leur vie vesquu en pechiéz et oncques n’ont eu cure de garder les commandemens divins ne les vœux par eulx fais. |[403] Et se, par adventure, ilz les ont aucunnes fois gardéz, ce as esté faintisement et non pas de franche voulenté ne pour amour ne cremeur de Dieu. » |[404] Pourtant donc, quant l’en voit que telz malades labeurent en l’article de la mort, on les doit reconforter par toutes les parolles charitables que l’en peut mieux en les enhortant a prendre pacience et a avoir repentence. |[405] Et doivent avoir les malades desplaisance volentaire de ce qu’ilz ont [v°] mal vescu par regart de venir a bonne fin. |[406] Et, par ce que les malades sont aucunes fois foibles de couraige, dont est peril qu’il ne tumbent en desesperation. |[407] On leur doit ramentevoir les choses ou sencond chapiltre des Epistres pour leur donner couraige a esperance. |[408] Puis encore les doit on enhorter qu’ilz vueillent morir comme vrais catholicques en les advertissant de la sentence d’excommeniement |[409] et comme ilz se doivent garder que nullement ilz ne soient comprins en elle pour le grant peril de leur ame que y fist. |[410] Puis encore les doit on faire sousmettre en tout et par tout en l’ordonnance de nostre Mere sainte Eglise, affin de mieulx obtenir le merite de salut. |[411] Et, se l’en voit qu’ilz ont aucun espace de vie et que la mort ne les oppresse trop fort, |[412] on leur doit ramentevoir les oroy[184 r°]sons les quelles par avant, ou temps de leur santé, estoient acoustuméz de dire et les leur doit on lire devant eulx, |[413] puis aussi les divins commandemens affin que plus parfondement il y pensent et advisent s’il ont en aucuns deffailly ou erré par desprisance |[414] et, se ainsi est que les malades ont vigueur de parler et bonne congnoissance, ilz doivent respondre aux oroisons et interrogacions que l’en leur fait, |[415] assavoir de parolle se possible leur est ou autmoins de cœur, et donner aucun signe de constenement. |[416] Et ainsi il souffist a leur salut. L’en doit toutesfois, tousjours qu’i peut estre bien advisé, que ces interrogacions se facent et se dient aussi ces oroysons ainçois qu’ilz perdent l’usaige de parler. |[417] Et se, par adventure, l’en voit qu’ilz ne donnent [v°] pas nulles responses ne nulz signez souffisans selon les oroisons et interrogacions qui leurs sont faites, |[418] adont l’en doit recourir au remede par la meilleur maniere que l’en peut en les advertissant plus expressement ne ne le doit on pas delaisser pour quelque paour qu’ilz ayent de morir. |[419] Ains, si tost que l’en voit le peril de leur indisposition, on les doit advertir de la mort affin qu’ilz se retournent a Dieu. |[420] Il est moult chose plus juste que, en cremeur, on les reduye au chemin de salvacion que, par belles losenges ou aucunne dissolucion, on les delaisse en celuy de dempnacion. |[421] Et aussi, certes, il n’est pas chose convenable a la religion chrestienne, ains est plus tost chose dyabolicque, que l’en doive receler le peril de mort a nul chrestien pour doubte qu’il ne se trouble d’elle. |[422] Nous avons que Ysaÿe prophete es[185 r°]pouenta tousjours le roy Ezechias, qui malade estoit, jusques a mort et ce faisoit pour son salut, disant qu’il mourroit, supposé que pas encores en deust mourir. |[423] Pareillement, saint Gregoire espouenta son moyne de la mort au plus fort de sa maladie, par ainsi que nous lysons au quart livre de son Dyalogue. |[424] L’en doit aussi porter et presenter aux malades l’ymaige du crucifix et icelle tenir emprés eulx, assavoir en lieu qu’il la puissent veoir |[425] et, par elle, contempler la passion de Nostre benoist Saulveur ou celle de la glorieuse Vierge Marie ou celle d’aucun saint que l’en scet qu’il ont plus eu, ou temps de leur sancté, en espicialle devocion. |[426] Puis encore doit on tousjours avoir emprés eulx l’eaue benoiste et si en doit on getter et arrouser aucunes fois tout autour de eulx |[427] affin que, moyennant [v°] ycelle, les ennemis s’en aillent ou au moins eslongent d’eulx. |[428] Et, se le temps est si brief que l’en n’ayt espasse d’acomplir toutes les choses dessus dittes, l’en doit au moins faire et acomplir celles qui possibles seront. |[429] Mais toutesfois, entre les autres choses, l’en ne doit pas oublier les oroisons lesquelles s’adressent a Nostre benoist Sauveir Jhesucrist |[430] ne ne doit on pas redduire a la memoire des paciens leurs femmes ne leurs enfans ne leurs richesses mondaintes si non en tant que chose soit necessaire. |[431] Et, quant on a cause ou occasion de les ramentevoir, on le doit faire actemprement aussi, par maniere que nulle afflection ne les devoye de sa devocion envers Nostre Seigneur. |[432] Encore diray que, en ceste matere, qui est matere de necessité et de la derreniere de toutes autres, [186 r°] |[433] l’en doit bien considerer et penser tours les pechiéz que l’en a fait et les sentences es quelles sont adjoingz les adverbes, |[434] et ce pourtant ue nous ne meritons pas par verbes mais par adverbes, si comme est escript ou livre qui est intitulé Liber theologice veritatis. |[435] Celuy qui a plaisir de bien et seurement morir sans peril doit avoir aucune cure d’estudier deligemment l’art et la science de bien mourir a la disposicion de luy selon que dessus est dit, |[436] tandy qu’il est en santé et non pas attendre que maladie le contraigne a l’apprendre ou estudier, |[437] car aussi je te dis, mon beau frere, en vraye charité, que, quant la mort survient ou tant seullement quelque griefve maladie, la devocion s’en passe ne ne se peut adonc trouver en homme guere grande. |[438] Pour tant donc, se tu ne veulx estre deceu en errer, ains, af[v°]fin que tu soyes et demeures plus seur, |[439] prens devocion et persevere en elle et, moyennant elle, purge et nettoye ta conscience et te dispose avec Nostre Seigneur tandy que tu as temps de santé et usaige de rayson et que tu es seigneur de toy et de tes œuvres. |[440] Haa, que plusieurs ont esté et chascun jour se treuvent qui tant actendent que, en actendant, leur attente les deçoit, |[441] car ilz cuident aucunes fois que la mort soit bien loing la quelle se treuve a la porte par la quelle les fault passer hastivement sans pouoir nullement reculler ! |[442] Et, pour ce, mon beau frere, prens garde et te rens soigneux que pas ainsi ne t’en adiengne. |[443] Et ne se doit nul esmerveiller de ceste enhortacion, car, quant vient a la derniere necessité, c’est a dire quant a l’article de la mort, sa force est si grande et si dangeureuse et si tres perilleuse q|[444] que, se possible es[187 r°]toit, tous ceulx de la cité, quant aucun vient a mourir, se deveroient assembler a venir a luy pour le reconforter et enhorter a bien morir, si comme advient en aucunes religions, |[445] car, quant le religieux qui est malade est pres de la mort, l’en sent aucunes foys donner sur la table ung grant coup tellement que chascun le peut ouir. |[446] Et, lors, tous les religieux et religieuses, se aucunnes en y a, se lieuvent ou delaissent toutes œuvres et s’en viennent au malade et de droitte tire pour le reconforter et enhorter a bien mourir.

|[447] Prieres, et cetera.

|[448] Quant vient que le pacient labeure en l’article de la mort, on lui doit dire leso roisons qui s’ensuivent, s’il est religieux, |[449] et si doit on convocquer le premier convent par la table, selon qu’il est de scoustume, et dire la letanie avec les pseaulmes et oroysons [v°] acoustumees. |[450] Et, s’il survit, l’en y doit adjoindre les oroisons ensuivans et les doit dire aucun de ceulx qui sont illec en present comme l’en voit que la chose requiert. |[451] Et si les peuent souvent ramentevoir pour donner au pacient plus grant consolation. |[452] Non pour quant, ce n’est pas chose qui soit de necessité de salut mais tantseullement par devotion et affin que le pacient y prengen consolation. |[453] Et, se le pacient est seculier, on lui doit dire ces oroisons qui cy aprés s’ensuivent, selon que la devocion et disposition et aussi opportunité de temps ou aussi les estans en la presence requierent. |[454] Mais bien pou se trouvent au jour d’huy de ceulx qui auent gaire cure de avoir ce art de bien mourir ne encores qui ayent cure de bien visiter leurs proesmes, quant vient a al’article de la mort, |[455] pour [188r°] leur donner consolation et doulz amonnestemens de bien mourir en NostreSeigneur ainsi qu’il en sont tenus pour le salut de leurs ames et aussi que la loy les y oblige. |[456] Dont bien souvent y advient que les pluseurs meurent par deffault de consolation ou grant peril de leur salut.

|[457] Oroison a Jhesucrit.

|[458] Per amorem qui te dignissimum

À partir d’ici, le ms. K fournit un texte qui, à l’exception de quelques variantes, est le même que celui qui figure aux paragraphes 374 423 du ms HJ. Voici ces variantes :

[193 r°] |[459] Il fut ung page lequel, quant devint qu’il travailloit en l’article de la mort, interroga son chapelain, qui estoit homme devot et ydosne et lequel il amoit bien, quelz suffraiges ou quelz biens il feroit dire ou diroit pour luy aprés sa mort, |[460] auquel le chapellain respondi que tous ceulx que possibles luy seroient et lesquelz il luy commanderoit. |[461] Adonc le pape luy dist : « Je ne te demande que tu me donnes nulle autre aide |[462] si non que, quant tu me verras mis ou plus fort de la bataille de la mort, tu dies par troys fois l’oroyson dominical, assavoir le Pater Noster, en devocion et de bon cœur. » |[463] Si luy promist le chapelain que si feroit il sans nulle faulte tres voulentiers. |[464] Lors luy dist le pappe : « Tu diras [v°] le premier Pater Noster en l’honneur de la grant btaille et travail de Nostre benoist Sauveur Jhesucrist |[465] en luy suppliant que la grant multitude de gouttes de sang qu’il getta ou Jardin pour doubte de la mort et de la grant angoisse qu’il avoit a souffrir |[466] il luy plaise offrir a Dieu le Pere contre la multitude de mes pechiéz et en remission d’eulx. |[467] Le second Pater Noster tu diras en l’honneur de toutes ses passions et amertumes les quelles il soustint a l’eure de sa benoiste mort et quant sa tres sainte ame luy departy du corps, |[468] affin qu’il luy plaise les offrir et presenter a Dieu le Pere contre toutes peines et passions que je doubte a avoir deservi supporter et en remeddes d’elles. |[469] Le tiers Pater Noster tu diras en l’honneur de la grant et immesuree charité que Nostre benoist Sauveur demon[194 r°]stra a l’humain lignaige |[470] quant il luy plu descendre des cieulx et prendre chair humaine affin que, par ceste charité, ill luy plaise me donner salvation et me ouvrir les cieulx et recevoir dedens en la compaignie des beneureux, |[471] car je scay et confesse que je ne puis nullement estre sauvé par mes merites ne acquerir le royaulme de paradis. » |[472] Si advint que le bon chappelain la requeste de son maistre qu’il amoit bien ne sa promesse ne mist pas en oubli, |[473] ains dist les trois Pater Noster a l’heure et a la maniere qu’il luy avoit requis et ordonné. |[474] Dont s’ensuivit que le pape, tantost aprés sa mort, s’apparu a son chappelain en une moult grant resplendeur et lui rendit graces de sa bonne priere, |[475] disant que, par et moyennant elle, il estoit delivré de toues [v°] peines qu’il avoit a souffrir, car, aprés le premier Pater Noster, Nostre benoist Sauveur Jhesucrist avoit pour luy offert la sueur de son precieux sang et par luy dechassé toute son angoisse. |[476] Aprés le second Pater Noster, il avoit, par la amertune de toutes es passions ,effacéz tous ces pechiéz. |[477] Aprés le tiers Pater Noster, par sa charité, il luy avoit ouvert les cieulx et l’avoit introduit dedens en toute joye. |[478] Si n’est pas aussi a doubter que ceste maniere d’oroison en soit loable et prouffitable a ceulx qui sont en la derniere necessité a obtenir grace et delivrance de leurs pechiéz |[479] moyennant l’aide de Nostre benoist Sauveur Jhesucrist, qui est beny et exaulcié eu siecle des siecles. Amen.

Notre ms. fournit, aprés Amen, un texte qui, a quelques variantes près, est le même que celui qui figure aux paragraphes 441 467 du ms. J. Voici ces variantes :

 

[197 r°] |[480] Conclusion.

|[481] Et, pour ce que tout le salut de l’omme se tient en la fin, chascun bon chrestien devroit faire et procurer d’enquerir et avoir aucun pour son espicial amy et compaignon feal et tres devot, |[482] lequel, quant vendroit a l’article de la mort, feust et se tint tousjours amprés luy en le reconfortant par pacience, par cosntance, par foy, par charité et par toutes autres œuvres [v°] et vertus a luy possibles, |[483] aussi qui luy leist et dist les oroisons et autres suffraiges dessus mencionnéz et le tenist en bonne disposicion enver Nostre Seigneur, |[484] car aussi bonne disposicion en celuy qui meurt est moult necessaire se toutesfois il veult que les oroysons luy prouffitent. |[485] Et, de tant que le pacient a plus agreable et en amour celluy ou ceulx qui le visitent, de tant il prent en eulx plus grant consolacion, |[486] car qui ayme il doubte tousjours son amant et, par l’amour et fidelité qu’il a en luy, il reçoit plus voulentier correction et pacience et si luy donne plus grant foy qu’il ne fait aux autres. |[487] Et, pour ce, chascun se doit bien parforcer d’en avoir ung se plus en peult. |[488] Puis encore lui est necessaire que, si come desja sur plus expressement a esté faicte mencion, il donne toute oeu[198 r°]vre a apprendre l’art et maniere de bien mourir ainçois que la mort viengne a luy pour le tier a soy, |[489] car ses assaulx sont aucunnes fois si hastifz et terribles qu’il n’a espasse ne pouoir de pourveoir au salut de son ame si comme luy seroit necessaire. |[490] Et, sur ce, je feray fin a ce present traittié, qui est, comme dit est, de l’art et science de bien mourir, |[491] a la louenge de Celuy qui vit et regne lassus es cieulx, ung seul Dieu, par tous les siecles. Amen.

|[492]Oroison quant on va au sacrement de l’autel.

|[493] Conciencia trepida et inmunda, Domine Jhesu Christe, accedo ad sumendum sacrosanctum misterium preciosissimi corporis et sanguinis tui, propriis meis meritis nichil presumens sed in tua magna misericordia confidens. |[494] Vereor enim, Domine Jhesu Christe, ex inobedi[v°]encia sed dimitto dampnari, Timeo judicium assumere sed accedo. |[495] Attrahor per gratiam, retrahor per culpam. Impedit me plus carnis mee fragilitas quam tanti misterii delectat caritas. |[496] Ecce enim, Domine Jhesu Christe, oculos tuz pietatis me contemplari in presenti et in omnibus horis |[497] et ad illud celeste et divinum misterium sanctos anglelos tuos assistere ministros et quali fiducia ego indignus et miserimus accedere presumo |[498] qui vilissime et gravissime cordesco per vicia aut, cum sim vermis et matiera carnis, audeo participare misterium tante dignitatis |[499] sed recordare, Domine, creature tue quam redemisti preciosissimo sanguine tuo. |[500] Penitet me quam peccavi. Cupio emendare quod delinqui. |[501] Da michi, clementissime Pater spacium penitendi qui tan diu [199 r°] pepercisti delinquenti |[502] et concede ut hec sacrosancti corporis et sanguinis tui prelibation quam indignus sumere presumo |[503] sic peccatorum meorum omnium remission, sic delictorum meorum perfecta purgation, sic turpium cogitacionum mearum effugatio, |[504] bonorum sensuum reintegratio, operum quam tibbi plecencium salubris efficacia, |[505] anime et corporis contra dyabolicas infestaciones firmissima tuitio, qui vivis et regans, Deus, per omnia secula seculorum. Amen.


[3] aucunnens

[4] le quelles

[11] en .v. c.

[24] corporis fit

[32] pechieurs ; nommé prophete et

[39] p. mas a.

[40] meuren

[41] morte moriens et

[45] Beati omnes qui

[59] melior dici n.

[84] il répété

[89] a foy il

[107] vueillz pas

[109] Entre ne et menaces, me

[112] est mq.

[114] quant vit qu’

[115] comme dit Job

[123] de raspii

[126] grant et angoisse

[127] indugencve

[130] redepcion

[138] ingenuerit

[140] desespoioir

[154] c. tes bras

[164] actidens

[166] d’elle mesmes

[170] probaticion

[179] chose se chose

[185] hic sera ut

[190] contraignet

[192] surgont in pericium

[193] grant solas merveille avec solas exponctué

[194] toy (aprés coeuvre) mq.

[197] super quam a.

[198] tenuee

[206] de supporter répété

[208] possimums

[209] dominator

[210] communement

[218] peues

[222] rien répété

[252] vel uxores aut p.

[258] transitoires bontez a.

[259] cieulx te fera Dieu

[261] te don r. p. et metz et

[263] hic infirm c.

[274] parforce de cœur l’

[289] Entre amender et se, oil biffé

[292] Mais en c.

[294] le merites de

[301] reprouvez

[302] n. sauver j.

[306] Entre 306 et 307, au bas de la p. 174 r°, le ms. répète 306 avec des variantes : As tu douleur de cœur de tous tes pechiéz que tu as comis contre la majesté de Dieu et son amour et bonté et des biens que tu as obliéz et des graces que tu as desprisees ? ― Oïl.

[313] te peulst avoir

[316] de répété au débu du v°

[324] aussi pa m.

[334] e. a dueu

[347] compaigniee

[385] Aprés malades, et biffé

[389] duhy

[394] a dispsé de

[398] enhorté pour toutes v. c. coyes a

[401] aussi ramentoit le

[407] des escriptes pour

[416] a son salut

[435] liber theutonice v. ; disposicion dell selon

[485] pacient queil a plus