[1 v°] |[1] L’art au morier

|[2] Ja soit que, selon le Philosophe ou tierch livre d’Ethiques, sur toutes chose terribles la mort corporele est la plus terrible, toutefois, a la mort de l’ame n’est a comparer. |[3] A ce propost dist saint Augustin que « La perte d’une ame est plus grand damade que de mille corps ». |[4] Et aussi dist saint Vernard que « Tout ce monde ne se peut estimer a une ame ». |[5] Pour quoi la morte de l’ame est plus horrihle et detestable de tant que l’ame est plus noble et precieuse que le corps. |[6] Come donques l’ame est si precieuse et le dyable pour l’eternelle mort d’icelle infeste la personne a son darrain partir par si tres grands temptacions, |[7] pour tant est tres grand necessité que l’omme pourvoie a son ame qu’en icelle mort ne soit perdue. |[8] A quoi est tres expedient que chascun l’art de bien morir frequente diligemment et pourpense sa mor et solucion, |[9] car, come dist saint Gregore : « Cilz se sollicite moult en bone oepvre qui toutdis pense de sa darraineté. » « Le futur mal ou dangier preconsideré peut on plus facilement tolerer », |[10] mais pau souvent on se dispose de bon temps a la mort pour tant quechascun cuide longuement vivre et nient si tost morir, |[11] lequel par l’instinction du dyable se fait certainement, car plusieurs par cel vain espoir se negligent et muirent indisposéz. |[12] Et pour tant ne doit on trop esperer le malade ou morissant du recourement de sa santé corporele, |[13] car, selon le Chancelier de Paris, « Par tele fainte consolation et confidence chiet en certain dampnacion ». |[14] Pour quoi devant toutes choses doit on induire le morissant az choses necessairement acquises a son salut. |[15] Premiers, qu’il croye come bon chrestien lyés qu’en l foy Jhesucrist et l’unité et obedience de saint L’Eglise morera. [2 r°] |[16] Secondement, qu’il reconoisse griefment avoir Dieu offensé, dont il doit douloir. |[17] Tiercement, qu’il se propose fermement amender s’il sourvit et jamais plus pechier. |[18] Quartement, qu’il pardonne a ses offenseurs pour Dieu et qu’il demande pardon de ceus qu’il a offensé. |[19] Quintement, qu’il restitue ce qu’il a pris ou malement detient. Sextement, qu’il congnoisse Jhesucrist pour lui estre mort et que autrement ne peut estre sauvéz se non par la merite de la passion Jhesucrist, dont il rende Dieu graces possiblement. |[20] Az quelles choses s’il respond de bon ceur, c’est signe qu’il es du nombre de ceus qui seront sauvés. |[21] Depuis, on l’induira a la droiture de l’usace des sacremens de l’Eglise. Premiers, que par vraie contricion fache entiere confession, les autres sacremens aussi recevant devotement. |[22] Et cilz qui par autrui n’est de ces choses interroguiés et informés, il se interrogue lui meymes, considerant s’il est disposés come dit es. |[23] Et qui ensi est disposés, il se commette du tout a la passion Cristi, son Sauveur, icelle meditant continuelement, car, par ce, toutes temptacions du dyable et en la foy peut principalement superer. |[24] Si est a noter que les moriturs ont plus grieves temptacions que unques auparavant. |[25] Et se sont cin come aprés apara, contre lesquelles l’angele leur inspire cinx bonnes inspiracions, |[26] mais affin que ceste doctrine soit a tous fructeuse et nulz n’en soit fourcloz, ains y aprendge salubrement morir, |[27] tant clercz, par la letre, come, par les ymages, layz et clercz en cest miroir poront profiter |[28] et les choses preterites et futures come presentes speculer. |[29] Qui dont veulle bien morir ces choses et subsequentes considere diligentement.

[4 r°] |[30] Temptacion du dyable de la foy.

|[31] Comme ensi est que foy est fondement de tout salut et sans icelle nulz ne peut estre saulvés, |[32] tesmoing saint Augustin qui dit « Foy est de tous biens le fondement et entree d’humain salut », |[33] disant aussi saint Bernard « Foy est comencement de salut humain. Sans icelle, nulz ne peut appertenir au nombre des filz de Dieu et sans elle tout labeur humain est vuyd et inutil ». |[34] Pour tant le dyable, ennemi de toute humaine lignee, de tout son pooir traveille de l’omme en sa darraineté destorner totalement d’icelle |[35] ou au mains de l’induire a y fourvoier et errer, disant : |[36] « Tu, meschant, es en grand erreur construé. Il n’est point ensi que tu crois et qu’on preche. L’enfer est rompu et deffait. |[37] Quelque chose que l’omme face, il ocist autrui ou soy meyme par indiscrete penitence, come aucuns ont fait, ou adore les ydoles, si que les roix gentilz et plusieurs payens font. |[38] N’est ce mie en fin tout ung ? Car nulz ne retourne disant la verité et ensi ta credulité et foy n’est riens. » |[39] De telz et samblables choses pour le plus labeure le dyable qu’il puisse l’omme, en sa darraineté agonizant, avertir et destourner de la foy, car il scet bien que, se le fondement deffault, tout le superedifice necessairement descherra. |[40] Toutefois est assavoir qu’en nulle tmeptation le dyable ne peut cosntraindre l’omme ne aucunement maistriier et prevaloir, que a lui se consente, si longuement qu’il ait usance de rayson, |[41] se voluntairement il ne lui consent, ce que sur toute riens se fait a eschiever, |[42] car, come dist l’Apostle : « Dieu est tres leal et feable qui ne vous seuffre estre tempéz au dessus que poéz porter. Ainsi vous fera par la tempaction proufit affin que le puissiés soustenir. »

[6 r°] |[43] Bonne inspiracion par l’angele de la foy.

|[44] Contre le premiere temptacion du dyable donne l’ange consolatoirei nspiracion, disant : « O homme, ne croy les pestilentes suggestions du dyable, car il est menteur et par mentir il dechut les premiers parens, et ne doute aucunement en la foy, |[45] combien que par sens et entendement ne le peus comprendre, car, se tu le pouoies comprendre, ne seroit aucunement meritoire. |[46] Come saint Gregore dist : ‘Foy n’a point de merite a la quelle humaine raison preste experiment.’ |[47] Mais vous souvienge de la parole des sains Peres, assavoir de saint Pol aux Hebreus, xie, disant que ‘Sans la foy est impossible de plaire a Dieu’, |[48] et saint Jehan, au iije, ‘Qui ne croit, il est ja jugiés’, |[49] et saint Bernaert disant ‘Foy est la primogenite entre les vertus’. |[50] Et ‘Encore plus benoite fu Marie precipuant la foy de Jhesucrist que la char d’iceluy’. |[51] Considere aussi la foy des anchiens fideles, Abraham, Ysaac et Jacob, et d’aucuns payens, assavoir Job, Raab, meretrix, et, samblens pareillement, la foy des apostles et de immuables martirs, confesseurs et virges, car par foy ont pleu tous, anciens et modernes. |[52] Par foy, saint Pierre ambula sur les eaues, saint Jehan vut sans peril le venin qu’on lui propina. Les mons de Caspes, a l’orison d’Alixandre, par foy sont adunz et accloz. |[53] Et, pour tant, la foy est meritement benye de Dieu. Pour quoy tu dois virilement resister au dyable et fermement croire tous les commands Eglise, |[54] car saint Eglise ne peut errer pour ce qu’elle est gouvernee du Saint Esperit. |[55] Et, note, si tost que le malade ou morissant se sent tempté contre la foy, pense premiers quom necessaire est la foy, car sans elle nulz ne peut estre saulvé. |[56] Secondement, considere quom utile est, car elle peut tout, disant Nostre Seigneur : ‘Toutes choses sont possibles a celly qui croit.’ |[57] Et encor dist : ‘Quelcunque chose en priant vous demandéz, creéz, car vous l’obtendréz.’ » |[58] Et ensi l’enferme facilement, par la Dieu grace, reistera au dyable. |[59] Pour quo aussi est bon qu’on die le Symbole de la foy entour l’agonizant a haute voix et que souvent soit repeté affin que par ce le malade ou moritur soit animé a constance de la foy et les esperis malignes, qui abhorrent oÿr le dit Symbole, soient encachiés.

[8 r°] |[60] Temptacion du dyable de desperacion.

|[61] Secondement, le dyable tempte l’enferme ou moritur par desperacion, laquelle est contre espoir et confidence que l’omme doit avoir en Dieu. |[62] Quant l’enferme est crucyés de paines et doleurs en son corps, adont appose le dyable doleur sur doleur a l’omme, lui reprochans ses pechiés, par especial non confesséz, affin qu’il le puisse attraire a desperance, disant : |[63] « Tu, miserable, voi tes pechiés, qui sont tant que jamais n’en peus acquerre pardon, ainsi que peus bien dire avec Caÿm : ‘Plus grande est ma iniquité que ja n’en puisse merir pardon.’ |[64] Voi comment tu as transpassé les commandemens de Dieu, quar Dieu sur tout n’avéz amé. |[65] Aux hommes tu az fait injure et toute fois bien scés que nulz ne peut estre sauvéz s’i ne garde les commandes de Dieu, |[66] car le Seigneur dist : ‘Se vous voléz entrer a la vie, garde les commandemens.’ |[67] Mais orgueilleusement, avaricieusement guleusement, iracundement, envieusement, parecheusement az tu vesqu. Toutefoiz az tu oÿ prechier que pour ung pechiet mortel l’omme peut estre dampnéz. |[68] En autre, les sept euvres de misericorde n’az tu acoompli, lesquelz Dieu principament enquerra au darrain jour come meyme tesmoigne, disant a ceus qui seront a senestres : |[69] ‘Aléz ens en au feu eternel, car j’y eu fain et vous ne m’avéz donné que mengier, j’ay eu soif et vous ne m’avéz donné que boire, etc.’ |[70] Et pour tout dist saint Jaque : ‘Jugement sans misericorde se fera a celli qui fu sans misericorde sur terre.’ |[71] Voi aussi quom plusieurs personnez labeurent soingneusement en la loy de Dieu qui toutefois de leur salvation n’osent presumer, |[72] car nulz ne scet s’il est digne de hayine ou d’amaur et pour tant nul espoir de salut t’est relinquee. » |[73] Par telles et sambles choses induist il la personne en desparacion, laquelle sur tout autre mal se fait a eviter, car elle offend la misericorde de Dieu, laquelle nous sualve, |[74] tesmoing le prophete qui dist : « Les misericordes de Dieu sont que ne summes consumméz. » |[75] Et saint Augustin dist : « Chascun estant en péchié, s’il despere de pardon, il perd du tout la misericorde. » |[76] Riens ne offense tant Dieu que desperacion.

[10 r°] |[77] Bonne inspiracion de lange contre desperance.

|[78] Contre la seconde temptacio nde l’ennemi, l’ange donne bon confort, disant : « O homme, pour quoi desperes tu ? |[79] Ja fust que tant de murdres, larechins et homicides eusses perpetré que gouttes sont en la mer et arenes |[80] et aussi se tu seul eusses commis tous les pechiés, mauvestéz du monde, et se d’iceulx n’euses onques fait penitence |[81] ne se aussi n’arois maintenant pooir ou faculté de les confesser, |[82] neantmoins tu ne devroies desperer, car e ntel cas souffist la seule contricion du ceur, |[83] tesmoing le Psalmiste parlant a Dieu et disant : ‘Ceur contrit et humilié tu ne despicerans.’ |[84] Et Ezechiel dist : ‘A quelque heure le pecheur geuir son pechit, il sera sauvéz.’ |[85] Dont dist saint Bernard : ‘Plus grande est la pieté de Dieu que quelque iniquité.’ |[86] Et saint Augustin ; ‘Plus peut Dieu par misericorde pardonner que l’omme pechier.’ |[87] Ou cas aussi que tu seroies certain que fusses du nombre des dampnéz, encore ne devroies tu deesperer |[88] pour tant que par desperacion on ne fait riens fors que le tres pieus Dieu moult plus en est offensés et de plus fort encombrier aggravés les autres pechiés. |[89] La pene aussi eternelle jusques a l’intericion en est augmentee. Jhesucrist aussi pour lesp echeurs est crucifiiés et non pour les justes droituriers, come il meymes tesmoingne, disant : |[90] ‘Je ne sui point venus pour voquer justes mais pour les pecheurs.’ |[91] Exemple az en saint Pierre renyant Jhesucrist, en saint Pol persecutant l’Eglise, en saint Mathieu et Zachee publicans, |[92] Maris magdaleine pecheresse, de la femme sourprise en adultere ou laron pendant a la dextre juxte Jhesucrist en la croix, Marie Egipciaca, et cetera. |[93] Note, si tost que l’enferme se sente tempter par desperacion, pense qu’elle est pieurre et plus dampnable que tous pechiés |[94] et que on ne le doie jamais recevoir ou s’i adonner pour quelcunque autre pechié qu’on ait commis ou mette, |[95] car, come dist saint Augustin : ‘Plus pecha Judas desperant que les Juis Jhesucrist crucifiant.’ |[96] En oultre pense qu’on utile et necessaire est esperance, car selon Crisostome : ‘Espoir est l’ancre de nostre salut et fondement de nostre vie et conduiseur du chemin par le quel on va au chiel. ‘|[97] Et pour tant n’est elle jamais a relenquir pour pechiet ou mesfait quelcunque. »

[12 r°] |[98] Temptacion du dyable par impacience.

|[99] Tiercement, le dyable tempte l’enferme par imacience, qui se fait souvent par grande maladie, disant : |[100] « Pour quoi tu seuffres cest tres grand doleur qui est intollerable a toutes creature et a toy du tout inutile ? Ne aussi par tes demerites tel douleur par droit se devroit causer en toy, |[101] car il est escript que ‘Es paines, la plus benigne interpretacion se doit faire’. |[102] Aussi t’est chose moult grieve que nulz n’a compassion de toy, ce que sans doubte se fait contre raison. |[103] Et, ja soit que tes amis te peullent complaidre de bouche, toutefois principalement pour tes biens a eulx relinquir desirent de ceur ta mort. |[104] Mais, ton ame vuydue de ton corps, a grand paine par l’espace d’un jour, pour tout to navoir aeulx delaissié, veulent herbergier ton corps. » |[105] De telles choses et semblables, a impacience, qui est contre carité, de laquelle summes tenus Dieu amer sur toutes choses, le dyable s’effortse de atraire l’omme qu’ensi perde ses merites et souffrance. |[106] Noter est que aux morissants tres grand doleur de corps advient, meïsmement a ceulz qui n’ont de mort naturele, laquelle se fait pau souvent, |[107] ensi come l’enseigne exprience manifeste, mais tres souvent par accident, soit de fievre, d’aposteme ou d’autre maladie grieve et afflictueuse et longue qui aux gens sourvient dont dissolver et morir seulent. |[108] Laquelle maladie plusieurs, et par espacial les plus indisposéz a la mort et envis morans, les fait en tant impaciens et murmurans |[109] que tres souvent par trop doleur et imacience samblent dervéz et hors du sens, come de plusieurs personnes est apparu. |[110] Par quoi se fait assavoir evidanment que tellez personnes defalent de vraie carité, |[111] tesmoing saint Jherome, qui dit : « Se aucuns a douleur et trop enuis mort seuffre ou enceurt, c’est signe qu’il n’aime point souffisaument Dieu. » |[112] Et ad ce dit saint Pol : « Carité est paciente, benigne, souffrante, etc. », en toute humilité et fiance en Dieu.

[14 r°] |[113] Bonne inspiracion par l’ange de pacience.

|[114] Contre iije tamptacion du dyable donne l’ange bonne inspiracion, disant : |[115] « O homme, tourne d’impacience ton coraige, par la quelle impacience le dyable par ses mortiferes instigacions autres chose ne quiertque el detriment et perdicion de ton ame, |[116] car par impacience et murmuracion l’ame se deperd come par pacience elle est possedee et saulvee, |[117] tesmoing saint Gregorius, qui dit : ‘Nul murmurant entre le royaume des cieulx.’ |[118] pour quoi dont, de ceste ta maladie, laquelle au regard detes demerites est legiere, ne t’anoye, |[119] pour tant qu’elle devant ta mort t’est come purgatoire quant elle est toleree et soufferte come il le convient, |[120] c’est assavoir pacianment et voulentiers en gratuité, |[121] car non seulement besoingz est de gratuité es choses qui sont de consolacion mais aussi es choses qui sont d’affliction, car ensi que dit saint Gregoire : |[122] ‘Misericordement Dieu baille temporele severité et maladie afin qu’il ne baille pugnicion eternelle.’ |[123] Et saint Augustin aussi dit : ‘Sire, icy brulle, icy trenche affin que eternellement tu me donnes.’ |[124] Nulles donques tribulacions te pertroublent, car il monstrent que Jhesucrist ne te veult relinquier, |[125] ensivant que script saint Augustin et Gregoire : ‘Les maulx qui si nous pressent nous cosntraingnent d’aler a Dieu.’ |[126] Pour tant le salut de l’ame ne s’appreuve en la complaisance de la char mais ainchois l’eternele damnacion. |[127] Come dit saint Augustin : ‘Signe manifeste de dampnacion est d’optenir ses plaisirs et d’estre améz du monde.’ |[128] Et de rechief : ‘Il est, dist il, merveille que atous ceulx qui sont a dampner en infer tous cailleaus ne s’eslievent a leur solaz |[129] mais merveille est que a tous que sont a saulver eternellement toutes pierres ne s’eslievent en leur peril.’ |[130] Oste dont de toy impacience come venimeuse pestilence et emprendz le tres fort escu de pacience dont tous les enemis de l’ame sont facilement superéz |[131] et regarde Jhesucrist le tres pacient et tous els sains jusques a ala mort. |[132] Et note, quant l’enferme se sent tempter par impacience, premiers considere quom nocive est impacience, car, inquietant et pertourbant l’enferme, le averte et destourne de Dieu, |[133] qui dist : ‘Sur qui reposera monesperit se non sur l humble et paisible de ceur ?’ |[134] Secodnement, pense que pacience est bien sollicitement a conserver premiers, car elle est moult necessaire, dont l’Apostle dit : ‘Pacience vous est necessaire.’ |[135] Et Nostre Seigneur dit : ‘Voirment ne falloit il point que Cristus souffrist et ensi entrer en sa gloire ?’ |[136] Et saint Gregorius : ‘Jamais ne peult estre servee concorde que par pacience.’ |[137] Secondement car elle est tres utile, disant Nostre Seigneur : ‘En vostre pacience possedréz vos ames.’ |[138] Et saint Greogrius : ‘C’est chose de meilleur merite tolerer adversité que d’entendre et insuder aux bonnes oepvres.’ |[139] Item le dit Gregorius : ‘Sans fer pourons estre martirs se vraiement servons pacience en notre coraige.’ |[140] Et Salomon dit : ‘Le pacient est meilleur que le fort homme et qui domine et maistrie son coraige que l’expugnateur ou conquesteur des villes et citéz.’

[16 r°] |[141] Temptacion du dyable par vaine gloire.

|[142] Quartement, le dyable tempte l’omme malade ou morissant par s apropre complacence qui est orgueil spirituel, par lequel il est, aux devoz, aux religieus t parfais, plus infestes et molestant, |[143] car, quant il ne peut l’omme desvoier de la foy ou a desperacion ou inpacience induire et attraire, |[144] adont l’assaut il par sa propre complaisance, lui jettant ou devant telles pensees : |[145] « O quom ferme es tu en la foy, quom fors en esperance et quom constans et pacient en ta maladie ! |[146] O quom moult de biens tu as fait ! Tres grandement dois glorier, car tu n’est point come les autres, qui ont perpetré innumerables maulx et toutefois, d’un seul gemissement, aux regnes des cieulz sont parvenus. |[147] Pour quoi le regne des cieulx, de droit, ne te peut estre devyet ou escondit, car vous estes loyomment comabtus. Pour tant, prendz la couronne qui t’est appareillee et le plus haut et excellent siege devant les autres vous obtendréz. » |[148] Par telles et semblables choses, le dyable instaument labeure d’induire l’omme a spirituel orgueil ou a sa propre complaissance.

|[149] Pour quoy est a noter que cest orgueil fait moult a eviter. Premiers, car par ce l’omme ressamble au dyable, car par seul orgueil il s’est fait d’ange dyable. |[150] Secondement, car par orgueil appert que l’omme commet et fait basfeme par ce que, le bien qu’il a de Dieu, le presume d’avoir de lui meismes. |[151] Tiercement, tant et telle pourroit estre sa complacense que par et pour icelle seulement seroit dampnéz. |[152] Dont dit saint Gregore : « Saucuns, ramembrant le bien qu’il a fait, devers luy meymes s’en eslieve, devers l’aucteur d’humilité en chiet et tresbuche. » |[153] Et saint Augustin dit : « Se l’omme se justiffie meymes et presume de sa justice et droiture, il decline et cheant traverse. » Si doit on cremir bonciement la divine droiture et temperer cremeur par espoir et fiance en Dieu de sa tres douce misericorde.

[18 r°] |[154] Bonne inspiracion de l’ange contre vaine glore.

|[155] Contre la quarte temptacion de l’ennemi l’ange donne bonne inspiracion, dissant : |[156] « Meschans, miserable, pour quoi te enorgueilis tu, arrogant, attribuant a toi meymes constance de foy, esperance et pacience, laquelle toutefois seulement dois attribuer a Dieu ? |[157] Car riens de bien ou vertu n’as de toy mymes, dissant Nostre Seigneur : ‘Sans moy ne poés riens faire.’ |[158] Et autre part est escript : ‘Tu ne dois quelque bien arroguier a toy. Tu ne te venteraz point. Tu ne te eshauceras par fierté ou insolentement esleveras. |[159] Tu ne presumeras riens de toy.’ |[160] Et de rechief dit Nostre Seigneur : ‘Se vous ne devenéz come cestui petit enfant humbles et purains, vous n’enteréz point ou royaume des cieulz.’ |[161] Pour tant, humilie toy et vous seréz exaltéz, comme verifie Nostre Seigneur disant : ‘Qui se humilie exaltéz sera.’ |[162] Et saint Augustin : ‘Se tu te humilieez, Dieu descendera a toy. Se tu te eslieves et exaltes, Dieu se partra de toy.’ |[163] Tourne doncques ton coraige d’orguelleuseté, la quelle jadis transmua et fist Lucifer, le tres bel ange, sur tous les tres plus lait et tres hydeus dyable |[164] et le jetta del hautain des cieulz ou parfond d’enfer, la quelle aussi fu cause de tous pechiés. |[165] Dont dit saint Bernard : ‘ Comencement de tout pechié et cause de toute perdicion est orgueil’. |[166] Disant oultre : ‘Ostéz cest vice et sans paine tous autres vices seront resechiés et delaissiés.’ |[167] Pour quoy est a noter singlierement que, quant e moritur se sent tempter par orgueil, il doit premiers penser |[168] que orgueil en tant a displeü a Dieu que, a celle seule occasion, il bannist et debouta au plus baz d’enfert la plus tres noble creature sur toutes, Lucifer, avec tous ses adherens, le dampnant en exil perpetuellement, etc. |[169] Et ensi, par telle consideration, se humilliera et abaissera, rapensant ses pechiés, car il ne scet s’il est digne de hayine ou d’amour. |[170] Dont doit princpaument prenre exemple a saint Anthoine, a qui le dyable dist : |[171] ‘O Anthoine, tu m’az vaincun : quant je te veul essaucher, tu te deprimes et ravales et, quant je te veul deprimer et abasser, t’eslieves.’ |[172] Secundement doit penser qui humilitéz en tant a pleü a Dieu que principaument a l’occasion d’icelle la glorieuse Vierge Marie concheupt Dieu et au dessus des chœurs et throne des anges est exaltee et eslevee.

[20 r°] |[173] Temptacion du dyable d’avarice.

|[174] La cincisme tempacion de l’ennemi est avarice, les seculiers charnelz plus infestant et traveillant, laquelle est trop grand occupacion des choses foraines et temporeles, |[175] richesses et ensoignemens d’autres affaires qu’en leur vie ont hanté ou le plus amé. |[176] Per lesquelles le dyable tres efforcheement vexe et trouble l’omme a son definement, disant : |[177]  « O chaitiz, maleureux, tu relenqueras ores tous tes biens temporels, lesquelz par plusieurs sollicitudes et tres grandz laveurs sont assambléz. |[178] Aussi deslairas en derriere ta femme, tes enfans, tes cousins, parens et chiers amis et toutes autres choses desiderables de ce monde |[179] dont te seroit grand soulaz d’estre encore en leur compaignie et seroit a eulx aussi occasion de grand bien et plaisance. » |[180] Telles et samblables distractions, selon els affaires et condicion du mourissant, l’ennemi, par stimulacion d’avarice et couvoitise, represente a l’omme en ses extremes darrainitéz affin qu’ansi, par l’amour et cupidité de ces choses terriens, il l’averte et destourne de l’amour et affection de Dieu et de son propre salut. |[181] Dont singlierement est a noter qu’on doit garder tres pres reschiever que on ne ramembre au morissant ses parens, amis corporelz, femme, enfans, avoir ne autres choses transitoires |[182] fors de tant que sa santé spirituele le requert ou poulroit demander, veü que autrement ce seroit chose si grieve et de trop grant peril, |[183] car ensi, par telle commemoracion ou souvenance, seroit le morissant empechié et rappellé des choses spiritueles et salutares, auxquelles, lors, de toute vigeur et puissance, au par dedens et dehors, se fait a entendre moult cordialement |[184] et seroit convertis de soy negligier et occuper a ces miserables choses temporeles et charneles qui se font adont par tres grand diligence a remouvoir et oubliier de ceur et pensee, esquelles certantement lors avoir soing et occupacion est chose malseant et tres perilleuse.

[22 r°] |[185] Bonne inspiracion de l’ange contre avarice.

|[186] Contre la ve temptacion du dyable donne l’ange bonne inspiracion, disant : |[187]  « O homme, ne veulle oÿr les tres nocives suffestions de l’ennemi, par lesquelles te tend loyer et infisquier. |[188] Pour quoi les choses temporeles du tout delaisse et mets au derriere, desquelles la mémoire au resoingnement ne te peut de riens proufiter ou tourner a ton salut mais a grand detryment et destourbier d’icellui. Si soyes memoratif de la parolle Nostre Seigneur disant a ceulx qui sont adonnéz et affichiés a telles choses : |[189] ‘Chilz, fdait il, qui ne renunche a tout ce qu’il possede, il ne peut estre mon disciple.’ |[190] Et en outre : ‘Celly, dist il, qui vient a moy et ne hayst ses pere, mere, sa femme ou efans, freres et seurs, encore ne peut il estre mon disciple.’ |[191] Item, aux renunchans de ces choses dist il : ‘Cilz qui relemque et delaisse sa maison, freres et seurs, pere, mere, sa femme ou enfans ou ses hiretaiges pour mon nom cent doubles en recevra et possidera la vie eternelle.’ |[192] Ramembre aussi la povreté Jhesucrist Nostre Saulveur en la croix pour toy pendant, sa tres sainte benigne Mere et ses tres chiers disciples pour ton salut voluntairement delaissant. |[193] Considere aussisi que tant de sainctes et devotes personnes en ceste renunciacion et contempt des biens et choses seculieres les ont ensivy, dignes d’oÿr leur tres haute remuneracion : |[194] ‘Venéz, les benoéz de mon Pere. Possidéz le regne celestien qui vous est apparreillié des le commencement du monde.’ |[195] Si emprime ces choses en ton ceur et les transitoires totalement deboute, convertant ton ceur entierement a la voluntaire salubre povreté et ensi, par la promesse precedente, le regne des cieulz te sera deü et l’obtendraz. |[196] Affirmant encore, NostreSeigneur dit : ‘Bien eureus sont les povres d’esperit, car a eulx est le regne des chieulz.’ |[197] Tu te commetz doncques plainement a Dieu. Il te donra richesses pardurables et en sa bonté espande toute ta confidence et saulvation. |[198] Note, quant le moritur se sent tempter par avarice et amour des choses terrienes, considere premiers que telle affection fait separer et retraire de Dieu la personne, car ce fourcloist et restaind l’amour de Dieu, |[199] tesmoing saint Gregoire, qui dit que ‘De tant est l’omme de l’amour supernele eslongié de quantqu’en ces creatures terienes et bassaines prend sa plaisance et delectacion’. |[200] Secondement, pense que la spontaine et voluntaire povreté fait l’omme bien eureux, le adrechant au chiel, |[201] disantNostre Seigneur : ‘Bien heureux les povres d’esperit, car, ensi que dit est, le regne des chieulx est eulx.’

[24 r°] |[202] Bien utile conclusion de ceste salutaire doctrine.

Se le moritur labourant en agonye et extremité peut parler et avoir usance de raison, il doit ses orisons espandre a Dieu. Premiers le invoquier et pryer que, par sa tres inestimable misericorde et par la vertu de sa tres sainte passion, il le daingne recepvoir en sa grace. |[203] Depuis, clamera par toute diligence la glorieuse Vierge Marie pour sa patrone et moyenneresse, aprés, tous les sainctz anges et par especial l’ange a se propre garde deputé, |[204] en oultre, les apostles, martirs, confesseurs et vierges et toutevoix ceulx ou celles plus singlierement qu’il a eu en dilection et reverence, |[205] desquelz les ymages et l’ymage de la saint croix et de Nostre Dame lui seront mis au devant. |[206] Item, il dira trois fois cestui vers : « Sire, tu az desrompu mes loyens. Je te sacrifira l’ostie del oenge. » |[207] Car ce ver, selon Cassidore, est de tel vertu et efficace que les pechiés de la persone lui sont pardonnéz se, en fin par vraie confession, devotement soit dit. |[208] Item, die trois fois ces moz ou semblables ; lesquelz on attribue en summe a saint Augustin : |[209] « La paix de Nostre Seigneur Jhesucrist et la vertu de sa tres benoite passion et le signe de la sainte croix et la tres entiere puraine integrité de la tres saincte Mere la Virge Marie |[210] et la benediction de tous les sains et sainctes, la garde des anges ensamble les intercessions et suffrages de tous les esleüs de Dieu |[211] soient entre moy et mes ennemis visibles et invisibles en cest heure de ma mor. Amen. » |[212] Mais, se l’agonisant ne scet dire les orisons, aucun des presens illec les pourra de haute intendable voix pour lui dire ou aucunes devotes hystoires et vertueuses choses a ce propost servant, esquelles le morisant soloit avoir devote delectacion. |[213] Et il meÿmes les advoera et dira de ceur et desir, pryant aussi le mieulx qu’il poulra et saura.

Et, come ainsi soit que le salut de la personne est et consiste en son definement de ce monde, |[214] chacun se doit soingneusement pourveoir d’un bon devot sochon, feal et ydoine ami, |[215] qui lui assiste en ceste necessité et conforte, a constance de vraye foy, pacience, devotion et perseverance, |[216] l’esmouvant et incitant, a bon devot corage et adrechement de ceur, a Dieu la sus, sa doulce mere, etc., et pour lui priant feablement en son agonie et trespas et aprés par bonnes orisons et commendacions, lequel lui peut moult valoir a sa saulvacion et est pour tel assistant au moritur chose de tres grand merite, come aussi voulrtoit qu’on feïst pour lui. |[217]  Mais, laz, on trouve pau de telz qui en la mort ensi feablement assistent et scourrent a leur proixmes et amis, les interroguans, exhortans, remonstrans et amonestans a leur darrain salut et perpetuelle saulvacion et pour ce pryent lors et aprés ayent oire de pryer et fere pryer come besoingz est, |[218] par especial quant le morisant ne s’i adonne et ne veut bonnement encore morir. Si est a doubter que les ames des morissans bien souvent en ce tres dangereux article de mort se poulroient meschanment perillier et precipiter sans bonne conduite et convenable adreche.

|[219] Bonne remonstrance par figure et l’exposition par escripture.

De chose utile et necessaire est cest miroir vrai exemplaire.

Si entendéz a bon desir pour bien vivre et bien morir.


[11] Leçons du xylographe non conservées : se fuit c.

[14] netessairement

[21] usance dos s.

[26] doctrine soit fourcloz ains y aprende a tous fructueuse et nulz

[35] y four voiser et

[38] nulz n retourne

[40] marstriier

[41] lui constur ce

[42] par répété

[45] le pouoir comprendre

[54] est mq.

[57] vous loitendréz

[59] malade au moritur

[61] t. lenfeme ou

[62] sos pechiés ; puisse attraree a

[69] fain et voo ne

[71] de (aprés loy) répété en début de ligne

[72] pour nul tant espour de

[87] aussi qu testoir certain

[88] fors que la tres pieue dette moult p. en est offensre et ; aggraver

[99] par grandi maladie

[102] se fuit contre

[105] et samblens a ; seffortse daetraire

[106] qui non de

[112] pacience ; et France en

[122] purgnicion

[124] te (aprés tribulacions) mq.

[127] et desert amez

[128] dist Iil m. ; coilleaus

[130] fort esait de p. tont tous

[133] dist sui qui ; le lumble et

[135] falloit Il p.

[138] oepvers

[143] desvoir

[144] lassaut il lomme par

[147] des ceulx de ; devyer

[156] attribuat ; constane ; selement est dois

[158] te eshaucons par

[161] serez exatez ; se huillie ; sera mq.

[164] hautoin

[168] de bauta

[169] ab aispera

[171] anthoine ta maz ; veul ossancher tu

[172] a (aprés principaument) mq.

[176] efforchetment

[177] c. malemenx tu

[178] c. parers et.

[180] il lavette et

[182] le raisort ou proutroit d.

[184] de son negliger

[185] contre davarice

[187] homme N veulle

[195] convertanr ; s. poircete et

[196] ffirmant ; eurus

[197] donncques

[202] recepour

[206] sacrifirai lostre de

[211] mq.

[212] de hauce i. ; esquell

[216] pour priant lui f.

[217] proixmos

[218] poulroient oneschanment perillier ; conveable