|1390 Exhortacions singulieres que doit faire le prestre au malade.

|1391 Aprés ces choses doit le prestre singulierement exhorter le malade que pacientement et benignement il soustienne ceste enfermeté et maladie, la quelle est de Dieu envoiee, |1392 en luy disant que, se l’enfermeté du corps est bien portee joyeusement et sans murmure, elle engendrera la santé de l’ame |1393 et qu’il ne contempne pas la correction et discipline de Dieu, duquel seul est le salut de l’ame, |1394 mais rende plustost graces a Dieu le flagellant et luy donnant en ceste maniere correction.

|1395 Et, pour ce, dit Salomon, en ses Proverbes : |1396 Flagellat autem Dominus omnem filium quem recipit, |1397 c’est a dire que « Dieu corrige tout enfant qu’il reçoit » et veult recevoir en sa grace.

|1398Item, le prestre pourra admonnester au malade le contempnement de ceste vie presente et l’appetit et desir de la mort, en la maniere qui s’ensuyt :

|1399 O mon amy, se tu pensoies parfondement le dangier de ceste meschante vie, tu desireroies joyeusement et couvoiteroies mourir en Jesucrist.|1400 Comme dit saint Jehan, en son Apocalipse : |1401 Beati mortui, qui in Domino moriuntur, |1402 c’est a dire « Benoitz sont ceulx qui meurent en Jesucrist ». |1403 Considere, mon amy, la vie presente, qui est, au commencement, plaine de douleur, au moien est faicte angoisseuse et corrumpue de pechiéz et, en la fin, elle est menachante de paine doublee et intollerable. |1404 Et regarde et considere se tu dois point plus appeter, requerir ou demander bien mourir que vivre mauvaisement, |1405 car, come dit Cathon : |1406 Nemo sine crimine vivit, |1407 c’est a dire que « Nul ne vit sans pechié. » |1408 Et cecy nous advertissoit l’Apostre quant il disoit : |1409 Cupio dissolvi et esse cum Christo, |1410 c’est a dire « Je desire estre deslyé de ce corps et estre avecques Jesucrist ».

|1411 Et [f iiii r] aprés doit le prestre dire : |1412 « O mon amy, qui sera celuy qui sera suffisant pour nombrer et declairer les tristesses et angoisses de ceste vie presente, |1413 comme avoir soif, avoir fain, avoir chault, avoir froit, estre lassé et travaillé et autres choses ainsi comme innombrables et, par coustume, ces choses estre demourantes en nostre propre maison ! |1414 Avec ces choses sont autres qui portent moult de grans dommages a nostre esperit et qui sont choses moult griefves, |1415 c’est assavoir couvoiter, commettre fornicacion ou advoutrise, ravir, embler, tuer, meurdrir, se couroucier, haÿr |1416 et moult d’autres choses les quelles sont nuysibles a l’esperit, des quelles nul ne pourra estre plainement delivré sy non par la mort. |1417 Ces choses considerees, qui est celuy sage qui ne desireroit la mort ! |1418 Et, pour ce, saint Augustin, parlant a la mort, dit ainsi : |1419 O mors, desiderabilis finis omnium malorum presencium, laboris clausura, quietis principium, quis cogitare potest utilitates tuarum beatitudinum !, |1420 c’est a dire ‘O mort beneuree, la quelle on doit desirer, car tu es la fin de tous maulx presens, cloture et fin de tout labour, commencement de repos, qui est celuy qui peut penser les utilitéz de tes beatitudes !’ |1421 Pour ceste cause, mon amy, tant come tu passes ceste voie, aies tousjours ferme foy, |1422 car l’Apostre dit |1423 que ‘Sans foy, il est impossible plaire a Dieu’ et tout ce qui n’est de foy est pechié. |1424 Et, pour ce, dit saint Augustin : |1425 Fides est que primo subjungat animam Deo, deinde ad precepta, |1426 c’est a dire que ‘Foy est ce qui premierement joint l’ame a Dieu et en aprés aux commandemens’. |1427 Par les quelz, quant ilz sont gardéz, nostre foy est confermee, charité est nourrie et aprés commence a resplendir la chose la quelle on croit tant seulement par foy. |1428 Pour ce, se tu veulx estre beatifié, soies ferme en la foy, |1429 car l’Apostre dit que |1430 ‘Par foy, tu verras Dieu ainsi qu’il est’, qui est moult grant promesse. |1431 Et saint Augustin dit |1432 que ‘Le Louyer de la foy est l’entendement’. »


1396 Note : Le passage cité se trouve chez Paul, Épitre aux Hébreux, 12, 6
1401 Note Apocalypse, 14, 13.
1403 Leçon non conservé : corrumpuee
1406 Note Disticha Catonis, I, 5.
1409 Note : Paul, Épitre aux Philippiens, 1, 23.
1419 Note : Augustin, De vistatio infirmorum, I, VI.
1423 Note : Paul, Épitre aux Hébreux, 11, 6
1425 Note : Augustin, De agone christiano, XIII
1430 Note : Paul, Épitre aux Hébreux, 11, 6
1432 Note : Augustin, De agone christiano, XIII