|191 Chapitre des advertissemens et congnoissances que on doit donner au malade pour bien mourir.

|192 Pour congnoistre evidentement si aucun malade estant au lit de la mort peult bien mourir et aussi pour le induire a ce faire.

|193 Premierement, |194 on le doit advertir de croire generalement tout ce que ung bon crestien doit croire et de vouloir vivre et mourir en la foy de Dieu, en l’unité et obedience de saincte Eglise.

|195 Secondement, |196 on le doit admonnester de avoir griefvement offensé Dieu pour tant que le plus [avi vb] juste du monde sept foys le jour l’offense |197 et lui remonstrer comme il doit avoir en son cueur grande desplaisance de tant avoir offensé Dieu, son Createur.

|198 Tiercement, |199 on le doit admonnester de avoir ung ferme propos et bonne voulenté de retourner a penitance et se amender s’il plaist a Dieu luy prolongier ses jours et luy renvoyer sa santé et de jamais a peché retourner.

|200 Quartement, |201 on le doit admonnester de pardonner a tous ceulx qui lui ont offensé et lui remonstrer l’exemple de Nostre Saulveur et Redempteur Jesucrist, qui en sa passion pria pour ceulx qui le crucifioyent. |202 Oultre, qu’il requiere pardon et mercy a tous ceulx qu’il aura offenséz.

|203 Quintement, |204 on doit admonnester le labourant a la mort que, s’il a aucune chose mal acquise et du bien d’aultruy, qu’il la rende, |205 car jamais n’est remis le pechié tant que restitucion soit faicte.

|206 Sextement, |207 on le doit admonnester de croire et recongnoistre que Nostre Saulveur et Redempteur Jesucrist, vray Filz de Dieu, homme nay du ventre de la Vierge Marie, |208 a souffert mort et passion en ce val de misere pour le [a vii ra] salut des humains |209 et que, sans le merite de la passion de Jesucrist, ne peult avoir aucun, tant juste soit, salvacion, |210 dont, en tant que celluy malade peult, il doit regracier Dieu, qui tant s’est voulu humilier de vouloir souffrir mort pour lui donner saulvement.

|211 Aprés ce que on a admonnesté le malade deuement des choses dessus dictes pour sçavoir s’il sera en estat de bien mourir, on le doit interroguer s’il croit fermement les choses dessus dictes. |212 Et s’il respond que ouy, on peult aparcevoir qu’il soit du nombre de ceulx qui bien meurent, |213 pour tant que les parolles sont voulentiers signifiance de ce qui fist au cueur de la personne.

|214 Deinde studiose, et cetera.

|215 Aprés ce que le pacient a esté adverty et interrogué comme dit est, on luy doit presenter et le admonnester de recepvoir les sacremens de nostre mere saincte Eglise.

|216 Premierement, que il ayt en luy vraye contricion de cueur d’avoir tant offensé Dieu. |217 Secondement, qu’il face entiere confession de bouche en tant qu’il lui sera possible avecques voulenté de faire penitence s’il revient a santé ou de prendre la [avii rb] mort a gré se il plaist a Dieu de luy envoyer, |218 en esperant d’avoir le royaulme de paradis non pas par les merites de luy mais par le merite de la passion de nostre SaulveurJesucrist.

|219 Des aultres sacremens pareillement, comme du sainct sacrement de l’autel, qui est le viatique des crestiens, le quel tout bon crestien qui faire le peult doit recepvoir en la fin de ses jours.

|220 Combien que aucuns de telles maladies soyent malades que on ne leur ose donner de paour qu’ilz ne le vomissent, mais a tout le moins on leur doit monstrer. |221 Car, ainsi comme dit monseigneur sainct Bernard : |222 Crede et manducabis |223 « Croy le et tu le mengeras », |224 c’est a dire que, quant le corps de Nostre Saulveur et Redempteur Jesucrist est presenté devant le malade qui corporellement ne l’ose recepvoir, |225 en croyant fermement le saint sacrement estre vray, il le reçoit spirituellement et autant, selon Dieu, luy prouffite a l’ame comme si corporellement le recepvoit. |226 Et ainsi des aultres sacremens de nostre mere saincte Eglise recepvoir doit estre adverty le pacient pour bien mourir.

|227 Quisquis vero.

[avii va] |228 Icy soult le docteur une question que l’en pourroit faire, |229 c’est assavoir, si aucun malade estoit qui n’eust pas assistens en sa mort ou en son lit mortuaire qui le interrogassent ou sceussent interroguer et advertir des choses dessus dictes, qu’il feroit ? |230 Respond le docteur que celluy qui en tel cas se treuve, non ayant qui ad ce le induise, |231 doit en soy mesme se interroguer et cogiter, en tant qu’il pourra, les choses dessus dictes, en considerant s’il est ainsi disposé que requis est. |232 Et, s’il treuve en sa conscience que ouy, il ne doit point avoir peur de mourir mais seurement se doit submettre a la voulenté de Dieu |233 et remembrer tousjours et ruminer en son cueur sa saincte et digne passion, |234 car, par ceste cogitacion, sont superees toutes les tentacions de l’ennemy, principalement en la foy.

|235 Unde notandum.

|236 Icy dit l’acteur que nous devons noter que ceulx qui sont au lit de la mort ont de plus grandes et de plus merveilleuses tentacions qu’ilz ayent eues au devant. |237 Et ce est pour tant que l’entendement et tous les esperitz se debilitent, come dit est. |238 Et sont cinq principales tentacions dont le dyable tente l’homme a l’article de la mort, ainsi [avii vb] qu’il apparestra par aprés. |239 Contre lesquelles tentacions l’ange de Dieu, qui a toute heure est auprés de nous pour nous garder et mener la bonne voye se croire le voulons, nous donne et sugere cinq bonnes inspiracions.

|240 Sed ut omnibus, et cetera.

|241 Icy dit lacteur la maniere de proceder en son livre, disant : |242 « Mais affin que ceste matiere soit fructueuse et vaillable a tous et que nulz ne soyent seclus de la speculacion d’icelle, |243 mais en icelle aprennent toutes gens, de quelque estat qu’ilz soyent, a bien mourir, |244 j’ay traicté et deduyt ce livre en deux façons, l’une a l’autre correspondentes. |245 Premier, en sermons, auctoritéz et paraboles pour servir aux gens clercz et litteréz. |246 Secondement, en figures et ymages monstrant figurativement et devant les yeulx ce que speculativement par la lettre est denoté. |247 Et ce ay fait pour servir aux laÿques et gens non litteréz. |248 Les deux quelles choses sont come ung mirouer ouquel toutes choses preterites, presentes et futures sont speculees. |249 Qui doncques vouldra bien mourir considere les choses devant dictes avecques les ensuyvants et les mette en son entendement. »


203 Variante de W : il le rende
208 Variante de W : a sa souffert et enduré mort
210 Variante de W : donc en
212 Variante de W : il est du
214 Variante de W : Deindiose et cetera
224 Note : Augustin, De consensu evangelistarum, dist. 11 (Ut quid., crede, et manducabis souvent cité et commenté dans sa forme altérée crede et manducasti), commentaire de Jean, 6
229 Variante de W : avertir des dessus dictes choses q.
232 Variante de W : la bonne voulenté
238 Variante de W : apparaistra cy aprés
241 Variante de W : disant ainsi (Mais)
248 Variante de W : Les quelles deux choses