|498 La tierce tentacion de quoy le dyable tente en la mort est d’avarice.

[bvii ra] |499Tiercement, quant l’ennemy d’enfer voit qu’il ne peut faire tant que le pacient en l’ar[bvii rb]ticle de mort puisse devier de la foy de Dieu et de l’Eglise qu’il ne la croye fermement |500 et vueille mourir comme vray catholique, [bvii va] que aussy il ne le peult faire tourner a desesperance comme dit est, il essaye a le decevoir par une autre maniere. |501 Et, affin de le subvertir et faire oster sa cogitacion des choses salutaires pour son ame, lui vient presenter devant luy |502 et reduire a memoire toutes les negoces et occupacions temporelles que le pacient a eu au monde, |503 specialement celles que plus il a amees et ou il a eu plus d’affection, |504 affin que, par le regret que le pacient peult avoir de laisser icelles temporalitéz ou il a eu tant de felicité, |505 il puisse troubler son entendement et laisser a penser au salut de son ame.

|506 Et c’est bien a noter que ceste tentacion principalement vient a ceulx qui ont eu grandes richesses et pocessions, qui ont eu belles femmes, belle lignie et tous biens mondains |507 en quoy, durant leur santé, ilz ont plus eu de plaisance et plus d’occupacion et de sollicitude que au service de Dieu ne que au salut de leur ame. |508 Et, pourtant, a l’heure de la mort que tout ce doivent oublier et laisser, le dyable leur vient ramentevoir et leur dit : |509 « O meschant homme que tu es, a ceste heure peulx tu con[b]gnoistre que en toy est grande meschance et malheureté |510 quant si soubdainement te fault laisser tant et de si grans biens mondains que tu as eu tant de paine a acquerir |511 et maintenant, a l’heure que tu en deusses jouyr et vivre a ton aise, tu les pers ? |512 Ta femme aussi, tes beaulx enfans que tu as tant améz que tu laisses impourveus |513 et ne sçauront aprés toy ce qu’ilz devront faire. |514 Tes beaulx manoirs, tes belles maisons, tes beaulx edifices, qui les maintiendra aprés toy ? |515 Tes grandes marchandises, tant en mer comme en terre, qui les conduira ? |516 Tu laisses tout a l’heure que tu en deusses jouyr, avoir de l’honneur et en faire du bien. |517 Voyci ta femme, tes petis enfants, que tu laisses desoléz, et telz leur portent honneur qui les defouleront. |518 Tu meurs trop tost et te fust ung grant prouffit se tu eusses encore peu vivre.

|519 En telle maniere et par telles persuasions tente le dyable decepvoir l’homme |520 affin de avoir regret au monde et de laisser le pensement de son ame pour penser a ses vanitéz.

|521 Unde singulariter notandum est, et cetera.

bviii ra]|522 Icy enseigne l’acteur ce que on doit faire autour d’un malade touchant ceste tentacion d’avarice. |523 Et, dit il, est a noter singulierement et a garder principalement que, devant ung malade estant ou lit de la mort, on ne parle d’aucunes temporalitéz ne que on ne lui ramentoive sa femme, ses enfans ne ses amis, |524 se n’est en tant que touche le salut de son ame, pour faire son testament et mourir comme vray catholique en la foy de Dieu. |525 Pourtant est ce que les sainctz et saiges hommes sentans les assaulx de la mort se font couchier en ung lit de cendre, comme monseigneur saint Martin, ou de fuerre, |526 comme disant que desja ilz ont oublié la richesse et vanité du monde et ne pensent plus que au salut de leur ame.

[bviii rb] |527 La bonne inspiracion que l’ange donne au pacient en l’article de la mort contre avarice.

[bviii va] |528 Contre la tentacion d’avarice que le dyable donne a l’egrotant en l’article de la mort [bviii vb] l’ange de Dieu, de l’autre part, donne une bonne inspiracion et vraye medecine pour bien resister et dit : |529 « O home, retourne tes oreilles [ci ra] des mortiferes et dangereuses sugestions du dyable, |530 qui totalement se efforce a te subvertir de la cogitacion que tu dois avoir au salut de ton ame. |531 Laisse et postpose la cogitacion des temporaléz et te remembre que toy mesmes ne es que cendre, que de cendre venu et que tu retourneras en cendre. |532 Oultre, te remembre que quant tu vins au monde tu n’avoyes rien, mais nasquis tout nud, et que aussi te fault retourner. |533 Avecques ce, pour le salut de ton ame est necessaire que voluntairement tu renunces a toute temporalité, |534 ainsi que Nostre Seigneur l’a dit a ceulx qui adherent et prennent leur felicité aux mondaines pocessions : |535 Nisi quis renunciaverit omnibus que possidet, non potest meus esse discipulus |536  « Si ung home n’a renuncé premierement a toutes ses pocessions, il ne peut estre mon disciple. » |537 Dit oultre Nostre Seigneur : |538 Si quis venit ad me et non odit patrem et matrem et uxorem et filios et fratres et sorores adhuc et animam suam, non potest meus esse discipulus |539 « Se aucun vient a moy, dist Nostre Seigneur, et n’a point mis en oubliance ainsi que par haine son pere, sa mere, sa femme, ses enfans, freres et seurs, |540 mes[b]me sa propre ame, c’est a dire sa propre voulenté sensuelle, il ne peult estre mon disciple. » |541 Et puis aprés dit Nostre Seigneur : |542 Et omnis qui reliquerit domum vel fratres vel sorores aut patrem aut matrem aut uxorem aut filios aut pagros propter nomen meum contuplum accipiet et vitam eternam possidebit |543 « Et tout homme qui aura laissé sa maison, ses freres, ses seurs ou son pere ou sa mere, sa femme ou ses enfans ou ses champs pour mon nom, dit Nostre Seigneur, il en recouvrera cent fois le double et possedera la vie eterenelle. » |544 Et ainsi admonneste l’ange le pacient de prendre povreté voluntaire et haÿr toutes mondanitéz, |545 non pas qu’il enseigne a haÿr son pere, sa mere ou ses enfans de hayne mauvaise procedante de fureur de cueur ou de envie mais de hayne relinquente, |546 c’est assavoir que on les doit delaisser et mettre en oubly tout ainsi que une chose qu’on hayt.

|547 Dit aprés l’acteur : |548 Memento etiam, et cetera. |549 Icy ensaigne l’ange le pacient par similitude et lui dit : |550 « Mon amy, remembre toy de la povreté voluntaire que eut Nostre Seigneur pour toy en la croix, |551 qui voluntairement laissa sa tres aymee mere et ses disciples que tant il aymoit. |552 Considere pareillement [ci va] que tant de sages et saincts hommes en ceste contencion de temporalitéz ont ensuivy Nostre Seigneur, voulans ouÿr celle belle parolle ou il dit : |553 Venite, benedicti Patris mei, |554 possidete regnum paratum vobis ab origine mundi |555  « Venez, mes amys beneïs de mon Pere, |556 posseder le royaulme qui vous est préparé dés le commencement du monde. » |557 Pourtant dit l’ange au pacient : |558  « Mon amy, imprime ce que je te dy dedens ta pensee et repelle et degette toutes choses transitoires de toy tout ainsi que venin |559 et te converty entierement a povreté voluntaire, |560 car ainsi pourras tu posseder le royaulme qui te est deu |561 par la promesse de Dieu, qui a dit : |562 Beati pauperes spiritu |563 quoniam ipsorum est regnum celorum |564  ‘Benoist sont les povres de esperit, qui ont povreté voluntaire, |565 car le royaulme des cieulx est a eulx.’ » |566 Et ainsi dit l’ange : |567  « Mon amy, commet toy du tout a la voulenté de Dieu en bonne foy et esperance, |568 le quel te donnera les richesses sempiternelles. »

|569 Nota, quando infirmus, et cetera.

|570 Icy enseigne l’acteur de ce livre le pacient doubtant la mort et dit : |571 « Quant le malade se sent [ci vb] estre tenté par avarice ou amour des choses terriennes, |572 il doit considerer premierement que celle amour est ce qui separe et qui seclud l’amour de Dieu, |573 tesmoing saint Gregoire, qui dit : |574 Tanto quis a superno amore disjungitur quanto hic inferius in creaturis delectatur |575  ‘De tant plus que aucun icy bas se delecte es creatures, plus est il disjoinct et separé de l’amour souveraine de Dieu.’ |576 Secondement, il doit considerer combien povreté voluntaire est proffitable qui beatifie et maine l’homme au ciel, |577 comme dit est par la parole de Nostre Seigneur : |578 Beati pauperes spiritu, et cetera.


371 Variante de W : S’ensuit
372 Note : Une illustration pleine page, seules les trois dernières lignes sont occupées par le texte sur deux colonnes.
499 Note : Une illustration pleine page, seules les quatre dernières lignes sont occupées par le texte sur deux colonnes.
500 Leçon non conservée : catholiique
506 Variante de W : belle femme
514 Leçon non conservée : maisons telz beaulx
518 Variante de W : et ce fust
526 Variante de W : d. qu’ilz ont desja oublié
527 Note : Une illustration pleine page, seules les quatre dernières lignes sont occupées par le texte sur deux colonnes.
532 Variante de W : vins premierement au
534 Variante de W : Seigneur le dit
535 Note : Luc, 14, 33
540 Leçon non conservée : aprés di – Note : Luc, 14, 26
542 Leçon non conservée : relinqueri – Variante de W : relinquerit ; sur ares au p. – Note : Matthieu, 29, 29
550 Leçon non conservée : tant li aymoit
555 Note : Matthieu, 25, 34
562 Note : Matthieu, 5, 3
567 Leçon non conservée : de dieu mq. ­–
571 Variante de W : qui se esclud
574 Note : Grégoire Ier, Homeliae in Evangelia, XXX
576 Leçon non conservée : s. beti p.
578 Note : Matthieu, 5, 3