|183 Temptation du dyable d’avarice.

[bi v] |184 La tierce temptation de l’ennemy est avarice, que, plus infestant et travaillant les seculiers et charnelz, est trop grant occupation de choses foraines et temporelles, |185 c’est assavoir la femme et amis charnelz ou temporelz et les richesses et enseignemens d’aultres affaires que, en leur vie, ont possidé ou le plus aymé, |186 par lesquelles le diable tres fort vexe et travaille la personne a son diffinement, disant :

|187 « O chetif, malleureux, tu relinques et delaisses tous les biens temporelz, lesquelz par plusieurs sollicitudes et tres grans labeurs sont assemblés. |188 Aussi deslairas au dernier ta femme, tes enfans, tes cousins, parens et chiers amis et toutes aultres choses semblables de ce monde, |189 dont te seroit grant soulas d’estre encores en leur compagnie et seroit a eulx occasion de grant bien et plaisir. »

|190 Telles et semblables distructions, selon les affaires et conditions du pacient, l’ennemy, par stimulation d’avarice et couvoitise, repute a l’omme en ses extremes dernieretéz |191 affin que aussi, par l’amour et cupiditéz de ces choses terriennes, il le mette et destourne hors de l’amour et affection de Dieu et de son propre salut. |192 Dont singulierement est a noter que on doit garder tres chierement que on remambre au malade ses parens et amis temporelz et charnelz, femme, enfans, avoir ne aultres choses transitoires, |193 fors de tant que sa santé spirituelle le requiert ou pourroit demander, veu que aultrement se seroit tres griefve et de trop grant peril, |194 car, aussi, par telle commemoration ou souvenance seroit le malade enpeché et rapellé des choses spirituelles et solutaires |195 aulx quelles lors, de toute vigeur et puissance ou par dedens et dehors, se fait a entendement cordial et seroit convertis de soy occuper a ses miserables choses temporelles et charnelles.

[bij v] |196 Bonne inspiration de l’ange contre avarice.

|197 Contre la tierce temptation du dyable donne l’ange bonne inspiration, disant :

|198 « O homme, ne vueilles oÿr les maulvaises suggestions de l’ennemy, par lesquelles te peue lier et mocquer, |199 pour quoy les choses temporelles du tout delaisses et mest au derrier. |200 Delesses desquelles la memoyre ou raysongnement ne te peut riens proffiter ou tourner a ton salut mais a grant empeschement et enconbrier d’icelluy. |201 Si soyes memoratifz de la parolle de Nostre Seigneur, disant a ceux qui sont adonnéz et obstinéz a telles choses : |202 « Cy fault il qu’il renonce a tout ce qu’il possede, il ne peult estre mon disciple. » |203 Et en oultre : |204  « Celluy, dist il, qui vient a moy et ne hais ses pere et mere, femme et enfans, freres et seurs, |205 encores en peult il estre mon disciple. » |206 Item, a ceulx qui renoncent a telles choses dist il : |207  « Celluy qui relinque et delaisses sa maison, freres, seurs, pere et mere et sa femme ou enfans ou ses heritages pour mon nom le double en recepvra et possidera la vie eternelle. » |208 Remembre toy aussi la povreté de Jhesucrist Nostre Saulveur en la croix pour toy pendant, |209 sa tres sainte benigne Mere et ses tres chiers disciples pour ton salut volontairement delaissent. |210 Considere aussi que tant de sainctes et devotes personnes, en ceste renunciation et contempnement de biens et choses seculieres, ont ensuivy, dignes de avoir leur tres haulte remuneration : |211  « Venés, les benoitz de mon Pere. |212 Possidéz le regne celestiel qui vous est appareillés dés le commencement du monde. » |213 Si, emprime ses choses en ton cueur et les transitoires toutellement deboute de hors de ton cueur comme venin |214 et le mectz entierement a la voluntaire salutaire pouvreté |215 et aussi, par la promesse precedente, le regne des cieux te sera donné et le obtiendras, |216 disant Nostre Seigneur : |217  « Bien heureux sont les pouvres d’esperit, |218 car a eulx est le regne des cieux. » |219 Et tu te commectz doncques plainement a Dieu, il te donra reppeulx et reichesses qui ne fauldront point. |220 Note que, quant le malade se sent [biij r] tempté par avarice et amour des choses terrienes, |221 considere premier que celles affections font la persone separir et retraire de Dieu, |222 car celle affection fourclust et restand l’amour de Dieu. |223 Pourtant, ayes parfaicte fiance en luy, tesmoingz saint Gregoire, qui dist |224 que « De tant est l’omme de l’amour supernelle eslongné de tant que les creatures prennent delectation et plaisance es choses terriennes ». |225 Secondement, pense que la spontaine et voluntaire pouvreté fait l’omme bien hereulx, le adroissant au ciel, |226 disant Nostre Seigneur : |227  « Bien heureux sont les pouvres d’esperit, |228 car, ainsi que dist est, a eulx est le royaulme des cieulx, etc. »


184 Leçon non conservée : est (aprés charnelz) mq.
192 Leçon non conservée : singulierement et est
201 Leçon non conservée : abstinez
202 Leçon non conservée : a tour ce
203 Leçon non conservée : et (aprés moy) répété
215 Leçon non conservée : regne du cieux
217 Note : Matthieu, 5, 3
224 Note : Grégoire Ier, Homeliae in Evangelia, XXX
226 Leçon non conservée : a cieux est
227 Note : Matthieu, 5, 3