|138 La tierce temptacion dyabolicque nommee impatience.

|139A cause de la trangression de nostre premier pere, nous fumes subjectz es afflictions corporelles et mesmement a la mort, dont il n’est chose plus angoisseuse a icelle heure. |140 Comme dit sainct Gregoi[25r]re et le prophete : |141 « Nous sommes en griefz dangier, car l’entendement ne se peult applicquer a faire bien mais ymaigine a la douleur qu’i sent. » |142 La chair se plainct d’une part, voyant qu’il convient qu’elle se departe de l’ame et estre donnee aux vers. |143 Sy aymeroit mieulx non jamais estre nee ou estre morte ou ventre de sa mere, |144 comme dict Job. |145 Lors l’ennemy lui mect impatience et abhomination de vertuz au devant, |146 car, ainsi que nous veons que le corps ne prent saveur en quelque chose temporelle, si ne faict l’ame es choses spirituelles.

|147 Les amys pensent du corps tant seulement et nully ne pense de l’ame. |148 Il ne peult endurer que l’on le admonneste de bien faire, a cause des douleurs qu’i sent, et voit que nul n’en faict a son plaisir. |149 Le parler luy fault, les yeulx se tournent, les vaines se rompent, tant que en son corps n’a lieu en quoy il ne aist douleur. |150 Pourtant, et chet en impatience, voyant que ses amys le esloignent et ne vueillent faire sa voulenté. |151 Et, par ainsi, demeure tout seul es mains de l’ennemy, dont c’est grant dangier, |152 car nous voyons que, en santé et en di[25v]sant oraisons, faisant penitence et escoutent la doctrine de Dieu, a peine nous pouvons resister contre l’ennemy. |153 Helas, que ferons a ycelle heure ? |154 L’ennemy dit que Dieu n’est pas juste de faire a l’homme tant de tribulations et qu’i vauldroit mieulx non jamais estre néz, |155 se luy semble qu’i doibt prendre vengeance de Dieu et de toutes creatures en cuydant recouvrer sa force, |156 comme il apert en la figure cy devant, folio .ixe., |157 en laquelle vous poéz veoir comme le malade gecte tout a terre et ne prent en gré service qu’on luy face, dont les parens s’en esbaïssent. |158 Et tout cecy l’ennemy luy conseille.

|159 La tierce consolation angelicque, remonstrant patience.

|160 Selon la doctrine de sainct Pol, |161 les tribulations de ce monde ne sont point dignes d’acquerir la gloire celestielle, |162 car Dieu est tout puissant et n’a neccessité de nous, dont il nous deust souffire d’estre en sa grace, |163 veu que sommes pecheurs et non dignes d’estre exsaulcé. |164 Nous debvons estre contens d’acquerir sa grace, |165 comme il dict [26r] a sainct Pol, qui sans peché estoit, lequel plusieurs angoisses souffroit, auquel Dieu dit : |166 « Souffise toy de ma grace. » |167 Pourtant remonstre l’ange a la creature patience en remonstrant a ycelluy le grant bien de la nativité et creation de l’ame immortelle et advenement de paradis, |168 laquelle sans vigueur ne doit estre louee, car il n’est pas digne d’estre loué qui contre l’ennemy n’aura point bataillé. |169 Si promet Dieu aux patiens la vie eternelle, |170 comme il appert en la saincte Escripture. |171 Sy nous considerons les vices et pechéz que en nostre temps fait avons, bien pouvons congnoistre que maladie n’est riens au regard de peché, |172 veu que nous offendons le Createur, lequel de sa grace raisonnable nous a faictz forméz a sa semblance, promectant paradis. |173 Et, si nous ne pouvons avoir les biens de ce monde transitoire fors que par douleurs et angoisses, bien debvons soustenir aulcuns tormens pour la gloire eternelle. |174 Se le corps corruptible ung peu endure mal, il devient immortel et impassible pardurablement pour le mal qu’i soustient en ce monde [26v] present. |175 Si se doit reconforter la creature, considerant que le Createur pour elle a voulu prendre nature humaine souffrant injures, douleurs, afflictions, |176 lequel jamais nul mal ne pensa et est mort en la croix patiemment. |177 Tout ce a enduré |178 comme il appert en la figure cy devant, folio .xe., |179 ou l’ange monstre Dieu le Pere tenant fleiche et fouet dessus le malade pour ses pechéz, |180 lui remonstrant son filz qui jamais ne pecha et touteffois pour nous grans douleurs a soufert, |181 les sainctz martirs lesquelz a tort, pour la foy et honneur du Createur, villainement ont estéz mis a mort en priant Dieu pour les persecuteurs et ont les tormens portéz patiemment, |182 comme sainct Estienne, sainct Laurens et aultres.


141 Note : Références non identifiées
143 Note : Job, 3, 11
161 Note : Paul, Épitre aux Romains, 8, 18.
166 Note : Paul, Deuxiéme épitre aux Corinthiens, 12, 9.
168 Leçon non conservée : de sa nativité
177 Leçon non conservée : endurer