|236 La quinte temptation, nommee occupation mondaine.

|237Selon que dit le Saige, |238 la memoire de la mort est tres amere a la personne injuste et ayant paix avec ses richesses, |239 dont se plaignoit Boëce, disant |240 que la mort est mauvaise et ne veult recepvoir les meschans estans en douleur mais prent ceulx qu’ilz ont plusieurs richesses, |241 dont se parforce l’ennemy a la fin de destruyre la creature en luy mectant au devant les plaisances et richesses de ce monde, |242 qui ne sont fors que espines destourbans et empeschans que l’on ne preigne la fleur de beatitude eternelle, |243 car en labeur, se gardent en cremeur et faillent en douleur, |244 luy mect au devant ses parens et amys, lesquelz ne demandent fors que les biens : la femme demande son service, les enfans demandent l’heritage. |245 Et ne scet aulquel complaire. |246 Lors il souspire et gemist de douleur, voyant qu’i fault laisser ceulx qu’il a aymés. |247 Dont plusieurs fois [29v] chest en desesperation, |248 car il voit en sa presence que l’on se desrobe et ung chascum se plainct.

|249 Lors il considere que il luy convient mourir et laisser toutes choses mondaines |250 et voit bien que rien ne luy vaillent les plaisances de ce monde, ains luy tournent en douleur. |251 Dont se plaignoit sainct Augustin, disant : |252 « O vie mondaine, decepveresse de peuple, comme ta nature est faulce et vaine ! |253 Tes richesses sont comme fumees, ton temps comme la fleur, ta promesse comme l’ombre de l’homme et nul temps n’est estable. |254 Tu amasses et ne scéz pour qui, car les richesses de ce monde te feront parir. » |255 Et, pour ce, nous voyons, a l’heure de la mort, plusieurs plourer et souspirer et cuidons que ce soit par contriction de leurs pechéz mais c’est par tristesse des biens qu’i perdent, |256 car l’orguilleux congnoist que plus y ne peult mener les pompes comme il a faict le temps passé, |257 le avaricieux les richesses, |258 le luxurieux a perdu vigueur, le yreux ne se peult venger, |259 l’enuyeux ne peult mal faire, |260 le glouton en riens ne prent saveur, |261 le paresseux est tousjours [30r] en douleur et nul ne le conforte. |262 Ainsi que dict l’Appostre : |263 « « Ce que tu auras en jeunesse semé, en vieillesse le verras moissonner. » |264 Dont c’est grant dangier de attendre a celle heure de bien faire, comme il appert en la figure cy devant, folio .xve. |265 Comme l’ennemy luy remonstre ses parens et amys qui pleurent et souspirent, demandans aulcune chose, devant luy sont les maisons qu’il a faict faire et au dessoubz sont serviteurs et chevaulx qui les laissent en grant douleur.

|266 La .ve. consolation angelique, nommee entendement au Createur.

|267 Selon que la doctrine de sainct Paoul dict : |268 « Ceste vie n’est fors q’ung cours a la mort et et en ycelle nous n’avons point cité permanente, en actendons une aultre. » |269 Pourtant remonstre l’ange a la creature qu’i doit tout laisser et mectre son espoir tant seullement en Dieu, |270 veu que c’est chose commune et certaine de mourir |271 et nul ne emporte riens fors que bien ou mal qu’il aura faict. [30v] |272 Et, sy nous avons des biens mondains et les perdons, il ne nous en doit challoir, car il ne sont pas nostres. |273 Nous avons esté conceuz en peché, néz en misere, vivans en peine et mourons en douleur et ne sçavons quant ne comment. |274 Et si debvons penser de rendre compte a Dieu, lequel ne prise richesses, noblesse, force ne science mais rend a ung chascum sa desserte. |275 S’il n’a pardonné a son propre filz, ains a voulu que tout nud mourut en la croix honteusement devant sa mere et aultres amys, pas ne nous doibt desplaire de laisser les choses transitoires, |276 car, a ycelle heure, ung chascum pourtera son fardeau ne nul pour aultruy y sera. |277 Et, par ainsi, ung chascum de soy doibt penser comment il rendra compte sans ymaginer en aultruy chose fors que a son ame, |278 veu que le filz ne porte point l’iniquité du pere ne n’aura douleur de sa dampnation, |279 car nous n’avons que ung seul pere, c’est assavoir Dieu. |280 Pourtant, en ycelluy doibt estre nostre espoir et non en aultre, |281 car noz richesses et biens [31r] mondains sont transitoires et Dieu tant seullement demeure. |282 Nous voyons que Salomon pour science, Sanson par sa force, Pharaon pour sa crudelité, Alexandre pour sa richesse n’ont peu resister a la mort. |283 Sy debvons estre contens du vouloir de Nostre Seigneur. |284 Et cecy devant demonstre la figure, folio .xvie., |285 en laquelle l’ung des anges d’une part monstre Nostre Seigneur tout nud en croix devant sa mere ; |286 de l’aultre part monstre Job, sa femme et ses enfans, et les biens qu’i perdit, et fut moult patient ; |287 au piedz est ung ange qui muce les parens du malade affin qu’il ne pence en aultre chose fors que en Dieu ; |288 et par ainsy s’en va l’ennemy confondu.


238 Note : Référence non identifiée.
240 Note : Référence à Boëce non identifiée
243 Leçon non conservée : elle se acquierent
245 Leçon non conservée : aymer
252 Note : Référence à Augustin non identifiée, mais l’idée est développée dans l’Ecclésiaste, 5, 10-14.
263 Note : La citation ne se trouve dans aucun texte apostolique, mais l’idée se trouve chez Jean, 4, 36 et chez Paul, Épitre aux Galates, 6, 7.
268 Note : Paul, Épitre aux Hébreux, 13, 14
276 Leçon non conservée : aultruy yl sera
278 Leçon non conservée : n’avons mq.
280 Note : au bas de cette page, une citation manuscrite difficilement lisible de l’Ecclésiaste, 25, 5 (référence invraisemblable) et sans doute, encore moins lisible, une référence à l’Hébraïque.
282 Leçon non conservée : voyone