[La seconde chose dont se parforce le deable]

|46 La seconde chose dont se parforce le deable a l’article de la mort est de vouloir mettre ung chascun chrestien ou chrestienne hors d’esperance de son salut, [36r] |47 car, avec la douleur et cremeur que la personne a de ses pechiéz commis dont il a fait satisfaction et confession, adjouste icellui ennemi ung plus grand mal avec le precedent |48 en lui donnant souvenance et memoire des pechiéz commis dont n’a fait aucune confession en sa vie, qui fait l’omme cheoir bien souvent en desesperance. |49 Et ceulx qui meurent en tel estat peuent dire sans doubte ce qui est escript : |50 « Mort douloureuse, je suy ta viande et sçay que tu me devoureras et ou feu d’enfer avec les deables descendray ».

|51 Par cestui pechié sont les autres plus griefz et la peine en augmente cent mil foiz plus que par autre. |52 Et seulement par cellui pechons contre Dieu, nostre Createur, quant nous sommes en ce estat que ne esperons de sa doulce misericorde, |53 qui est tant grande que homme ne langue ne sauroient dire ne penser la grandeur d’icelle. |54 Tousjours Nostre doulx Sauveur [36v] a les bras tendus pour nous acoler et prendre quant lui requerons merci et pardon de noz pechiéz, pour lesquelz il est voulu mourir. |55 Et, pour tant, pour quelque temptation qui nous surviengne, aions tousjours esperance en Dieu et nous aurons paradis.

|56 Nul ne doit doubter que la pitié de nostre Createur ne soit plus grande que quelconque pechié que on sauroit commettre ne perpetrer, |57 tant soit homme grant pecheur et eust fait autant de larrecins et de murdres qu’il y a de goutes d’eaue en la mer. |58 Et, supposé qu’il feust tout seul pecheur en ce monde et que oncques n’eust fait confession ne penitence |59 et, qui plus est, posé qu’il fust du nombre des dampnéz et n’eust point de loisir de se confesser, |60 sy ne doit la personne se desfier de la misericorde de Dieu mais gemir et [37r] estre desplaisant en son cuer d’avoir pechié. |61 Il est escript |62 que Dieu ne desprise point le cuer contrit. |63 Exemple de mon seigneur saint Pierre en sa presence le reniant, |64 de saint Pol destruisant les chrestiens, |65 de Marie Magdalene, de Zachee, |66 du bon larron |67 et de pluseurs autres qui, par la misericorde de Dieu, sont sauvéz en paradis. |68 Aussi sans doubtance le serons nous, mais que aions celle maniere de retourner vers nostre Createur aprés que avons pechié et lui requerir misericorde et totalement se confier en icelle.


50 Note : Référence non identifiée.
61 Note : Psaumes, 34, 20.