[La tierce maniere comment les mourans sont temptéz du deable]

|69 La tierce maniere comment les mourans sont temptéz du deable est par impatience, |70 par la quele offensons nostre Createur en tant que nous delaissons la charité, de la quele le devons amer sur toutes choses, |71 car qui n’a charité il n’est point plaisant a Dieu et qui l’a avec lui est et, par consequent, [37v] encontre tout mal et douleur resiste de legier. |72 Quant on est en l’extremité de la vie, ce ne puet estre sans grant douleur corporele |73 et, se lors la creature n’a bonne pacience et regart a Dieu, son Createur, le deable aucune foiz lui trouble son entendement |74 par tele maniere qu’il semble estre hors du sens et ne lui scet on faire chose qui lui plaise, |75 comme veons bien souvent par experience et principalment es creatures qui ont maladies accidenteles, comme fievre, apostume, |76 et tous ceulx qui sont indisposéz a mourir. |77 Songes, reveries leur surviennent tout ainsi que s’ilz estoient folz et ce vient de grant douleur corporele et impacience et regret qu’ilz ont a morir. |78 Et telz faillent a vraye charité, la quelle est amer Dieu de tout son cuer. |79 Se on aime Dieu, on soustient voulentiers les maladies qu’il envoie.

|80 Contre impacience, qui est a charité contraire, affin que ceulx qui sont par elle temptéz bien et seurement [38r] sachant mourir, |81 il leur convient en toutes maladies, soient grandes ou petites, soit a la mort ou devant la mort, non murmurer, |82 ains mercier son Createur et estimer de cuer et de bouche teles maladies petites et legieres au regart des pechiéz commis, |83 car maladie n’est autre chose que ung purgatoire de pechiéz quant elle est portee de bon cuer et de bonne voulenté. |84 Et, pour ce, quant nous les avons, nous devons ensuir de tout nostre cuer saint Augustin ainsi priant : |85 « O Dieu, mon Createur, qui tout seul scet et cognois les pechiéz de toutes creatures et a toy seul en fault rendre compte |86 affin qu’il te plaise moy pardonner et preserver d’estre de la senestre partie de ceulx qui assisteront a ton doubté et cruel Jugement, |87 je te supplie et requier que, en ce monde, tout hault et bas me detranches de tes verges et maladies et que, d’autre part, soye [38v] brulé de ton amour de charité, |88 car je cognois et confesse que toutes maladies et fortunes que nous envoies et que nous portons sont justes et sçay bien que plus avons desservi que ta voulenté ne permet. »


85 Note : Référence non identifiée