[16r]

|255 Temptacion du dyable par vaine gloire.

|256 Quartement, le dyable tempte l’omme malade ou morissant par sa propre complacence qui est orgueil spirituel, par lequel il est, aux devoz, aux religieus et parfais, plus infestes et molestant, |257 car, quant il ne peut l’omme desvoier de la foy ou a desperacion ou inpacience induire et attraire, |258 adont l’assaut il par sa propre complaisance, |259 lui jettant ou devant telles pensees :

|260 « O quom ferme es tu en la foy, |261 quom fors en esperance |262 et quom constans et pacient en ta maladie ! |263 O quom moult de biens tu as fait ! |264 Tres grandement dois glorier, |265 car tu n’es point come les autres, qui ont perpetré innumerables maulx |266 et toutefois, d’un seul gemissement, aux regnes des cieulz sont parvenus. |267 Pour quoi le regne des cieulx, de droit, ne te peut estre devyet ou escondit, |268 car vous estes loyomment combatus. |269 Pourtant, prendz la couronne qui t’est appareillee et le plus haut et excellent siege devant les autres vous obtendréz. » |270 Par telles et semblables choses, le dyable instaument labeure d’induire l’omme a spirituel orgueil ou a sa propre complaissance.

|271 Pour quoy est a noter que cest orgueil fait moult a eviter. |272 Premiers, car par ce l’omme ressamble au dyable, |273 car par seul orgueil il s’est fait d’ange dyable. |274 Secondement, car par orgueil appert que l’omme commet et fait blasfeme par ce que, le bien qu’il a de Dieu, le presume d’avoir de lui meismes. |275 Tiercement, tant et telle pourroit estre sa complacense que par et pour icelle seulement seroit dampnéz. |276 Dont dit saint Gregore : |277  « S’aucuns, ramembrant le bien qu’il a fait, devers luy meymes s’en eslieve, devers l’aucteur d’humilité en chiet et tresbuche. » |278 Et saint Augustin dit : |279  « Se l’omme se justiffie meymes et presume de sa justice et droiture, il decline et cheant traverse. » |280 Si doit on cremir bonciement la divine droiture et temperer cremeur par espoir et fiance en Dieu de sa tres douce misericorde.

[18r] |281 Bonne inspiracion de l’ange contre vaine glore.

|282 Contre la quarte temptacion de l’ennemi l’ange donne bonne inspiracion, dissant : |283 « Meschans, miserable, pour quoi te enorgueilis tu, arrogant, attribuant a toi meymes constance de foy, esperance et pacience, la quelle toute fois seulement dois attribuer a Dieu ? |284 Car riens de bien ou vertu n’as de toy mymes, |285 dissant Nostre Seigneur : |286  ‘Sans moy ne poés riens faire.’ |287 Et autre part est escript : |288  ‘Tu ne dois quelque bien arroguier a toy. |289 Tu ne te venteraz point. |290 Tu ne te eshauceras par fierté ou insolentement esleveras. |291 Tu ne presumeras riens de toy.’ |292 Et de rechief dit Nostre Seigneur : |293  ‘Se vous ne devenéz come cestui petit enfant humbles et purains, vous n’enteréz point ou royaume des cieulz.’ |294 Pourtant, humilie toy et vous seréz exaltéz, |295 comme verifie Nostre Seigneur disant : |296  ‘Qui se humilie exaltéz sera.’ |297 Et saint Augustin : |298  ‘Se tu te humilieez, Dieu descendera a toy. |299 Se tu te eslieves et exaltes, Dieu se partra de toy.’ |300 Tourne doncques ton coraige d’orguelleuseté, la quelle jadis transmua et fist Lucifer, le tres bel ange, sur tous les tres plus lait et tres hydeus dyable |301 et le jetta del hautain des cieulz ou parfond d’enfer, la quelle aussi fu cause de tous pechiés. |302 Dont dit saint Bernard : |303  ‘ Comencement de tout pechié et cause de toute perdicion est orgueil’. |304 Disant oultre : |305  ‘Ostéz cest vice et sans paine tous autres vices seront resechiés et delaissiés.’ |306 Pour quoy est a noter singlierement que, quant le moritur se sent tempter par orgueil, il doit premiers penser |307 que orgueil en tant a displeü a Dieu que, a celle seule occasion, il bannist et debouta au plus baz d’enfert la plus tres noble creature sur toutes, Lucifer, avec tous ses adherens, le dampnant en exil perpetuellement, et cetera. |308 Et ensi, par telle consideration, se humilliera et abaissera, rapensant ses pechiés, |309 car il ne scet s’il est digne de hayine ou d’amour. |310 Dont doit principaument prenre exemple a saint Anthoine, a qui le dyable dist : |311 ‘O Anthoine, tu m’az vaincu : |312 quant je te veul essaucher, tu te deprimes et ravales |313 et, quant je te veul deprimer et abasser, t’eslieves.’ |314 Secundement doit penser qui humilitéz en tant a pleü a Dieu que principaument a l’occasion d’icelle la glorieuse Vierge Marie concheupt Dieu et au dessus des chœurs et throne des anges est exaltee et eslevee.


257 Leçon non conservée : desvoir
258 Leçon non conservée : lassaut il lomme par
267 Leçon non conservée : des ceulx de ; devyer
277 Note : Grégoire Ier, Homeliae in Evangelia, IV, 1
279 Note : Augustin, Enarrationes in Psalmos, XXI, II, 2
283 Leçon non conservée : attribuat ; constane ; selement est dois
286 Note : Jonas, 15, 5
287 Leçon non conservée : te eshaucons par
288 Note : Isidore de Séville, Synonyma, II, 21
293 Note : Matthieu, 18, 3
294 Leçon non conservée : serez exatez ; se huillie ; sera mq.
296 Note : Matthieu, 23, 12; Luc, 14, 11; Luc, 18, 14
298 Note : Augustin, Enarrationes in Psalmos, XXXII, II, 23
301 Leçon non conservée : hautoin
303 Note : Bernard de Clairvaux, Sermones in natali sancti Andreae, II, 7
305 Note : Opus imperfectum in Matthaeum, XLIII
307 Leçon non conservée : de bauta
308 Leçon non conservée : ab aispera
311 Leçon non conservée : anthoine ta maz ; veul ossancher tu – Note : Référence à Antoine partagée par la plupart des textes mais non identifiée.
314 Leçon non conservée : a (aprés principaument) mq.